1998-2001 : Bompard, des vrais espoirs aux faux passeports

Histoire | Publié le par Jacky | 2 commentaires

Dans le cadre des 90 ans de l’ASSE, nous revenons sur les différentes périodes qui ont fait son histoire. Après avoir évoqué la création du club, la première grande domination de l'ASSE sur le football français, l'arrivée d'Herbin à la tête de l'équipe, les deux années mythiques de 1975 et 1976, l’apparition de la première étoile sur le maillot, l’affaire de la caisse noire et le règne d'André Laurent, la période 1994-1998, nous passons désormais à celle suivante avec notamment la présidence d'Alain Bompard. 

C’est pour démontrer à son fils, issu de l’ENA, Stéphanois de naissance et de cœur, que lui aussi était encore capable, malgré son âge, de réussir quelque chose de grand, qu’Alain Bompard se lança au secours de l’ASSE qui était alors au 36ème dessous de son existence. Aujourd’hui le père, et bien d’autres, verraient bien le fiston prendre la tête de son club de cœur, mais ses activités professionnelles ne le permettent pas, pour l’instant en tout cas.


Saison 1998-1999 :

Début de saison remarquable pour notre football champion du Monde. Au cours des premières journées «I Will Survive» retentissait dans tous les stades avant le match. L’impact de cet évènement était bien plus considérable que prévu, beaucoup de Français et de Françaises se découvraient une passion subite pour le ballon rond. Comme pour l’Euro 84, première compétition remportée par l’équipe de France, l’ASSE végète en Ligue 2 et, nous l’avons vu, le National n’a jamais été côtoyé d’aussi près que lors des deux exercices précédents.


Alain Bompard renouvelle le staff. Gérard Soler, ancien international, sera le directeur sportif, l’entraineur sera un Marseillais qui a fait ses classes à Lyon, Robert Nouzaret. Il ne doit son arrivée qu’au désistement de dernière minute de Guy Lacombe. Celui-ci, qui avait, semble-t-il donné son accord aux nouveaux dirigeants, s’est débiné au dernier moment, sans doute effrayé par l’ampleur de la tâche. Personne ne s’en plaindra. Le recrutement doit se faire à moindre frais. Quelques joueurs expérimentés et plutôt en fin de parcours arrivent : un milieu travailleur, Kader Ferhaoui (Montpellier), un défenseur Gilles Leclerc (Valence), les attaquants Patrick Revelles (Toulon) et Nestor Subiat (FC Bâle). Certains jeunes vont s’imposer, Julien Sablé, Pape Sarr, Bertrand Fayolle ou encore Adrien Ponsard en provenance du Puy.


Personne n’aurait osé espérer le parcours que va réaliser l’ASSE au cours de la première partie de la saison. Première défaite à la 21ème journée, 11 victoires et 9 nuls. La suite sera plus laborieuse. Au total 6 défaites et 14 nuls. Ce sera suffisant pour terminer en tête, avec deux points de plus qu’un surprenant promu, Sedan. En Coupe de la Ligue, les Verts s’inclineront de peu en 16ème au Parc face au PSG (0-1). En Coupe de France, piteuse élimination au 8ème tour par les amateurs de Jura Sud Foot (0-1). Tant pis pour les Coupes. L’essentiel a été accompli, l’ASSE allait retrouver l’élite. Seule ombre au tableau la grave blessure de Jérôme Alonzo, en mars 99, lors d’un match historique contre le Red Star. Historique car c’était la première rencontre opposant deux clubs au Stade de France, qui n’avait accueilli jusque-là que des confrontations entre nations. Plus de 48 000 personnes avaient assisté ce jour-là à la victoire stéphanoise (2-1). On n’a jamais fait mieux en Ligue 2.


Saison 1999-2000 :
Le peuple stéphanois est aux anges. L’ASSE a retrouvé sa place parmi l’élite pour disputer la dernière saison se terminant au XXème siècle.
Arrivent en renfort les défenseurs, Kvarme international norvégien, Wallemme et Llacer, les excellents milieux Pédron et Guel, et un attaquant Chavériat. Deux Brésiliens sont recrutés. Inconnus en France, ils sont dénichés sur les conseils de Robert Nouzaret qui les avait découverts après visionnage de cassettes vidéo. Gérard Soler fait le voyage pour confirmation et revient avec leur signature. Ils ont pour noms (simplifiés) Alex et Aloisio. Ils deviendront rapidement les «chouchous» de Geoffroy-Guichard après avoir flambé ensemble dans le club de Goiás. Leclerc, Ponsard, Zanotti et Fichaux entre autres quittent le club.


Après un nul au Vélodrome au match aller (3-3), le point d’orgue de la saison sera, en décembre, la rencontre retour face à l’OM. Alex inscrira ce jour-là un quadruplé, dans un Chaudron autant éberlué que chaviré. Il marquera trois des quatre buts verts claqués en 37 minutes, Potillon ayant participé au festival. Un score de 4-0 à la mi-temps, c’en était trop pour les supporters phocéens qui quitteront le stade pendant la pause, non sans avoir passé leur honte, sur de nombreux sièges, qui ne s’en remettront pas. Finalement l’OM sauvera l’honneur à la dernière minute par Dalmat après le quatrième d’Alex qui ce jour-là, deviendra la panthère verte. Brando, Dugarry, Pires ou encore Florian Maurice qui étaient en face n’ont sûrement pas oublié.
Il y aura encore du spectacle en février, face au Montpellier de Michel Mézy qui, après avoir rapidement mené (2-0) se retrouve distancé à la mi-temps (2-4). Ils croiront pourtant avoir fait le plus dur en revenant à 4-4, mais la neige qui fit son apparition en fin de match provoqua une toile du gardien Rudy Riou sur une frappe anodine d’Aloisio et au final, victoire stéphanoise (5-4). Montpellier sera relégué et Marseille ne sauvera sa place en Ligue 1 que grâce à la différence de but.

L’ASSE malgré une saison en dents de scie accrochera à la satisfaction générale une surprenante 6ème place, qualificative pour la petite coupe d’Europe Intertoto. La Coupe de France s’arrêtera à Lorient en 16e et la Coupe de la Ligue en 8e face au Red Star. Monaco remporte son 7ème titre.


Saison 2000-2001 :

Grâce à une saison précédente prometteuse, le peuple stéphanois espère qu’enfin, la stabilité ne sera pas que passagère. Première déception il ne retrouvera pas l’Europe, Robert Nouzaret préférant se consacrer au championnat. Personne ne se doutait alors que les derniers mois du XXe siècle et les premiers du suivant allaient être cauchemardesques. En défense Luis Alberto est recruté en provenance de Flamengo, Patrice Carteron arrive de Lyon et Allan Olesen du Danemark. Plus surprenant Maxime Levytsky, un gardien Ukrainien vient concurrencer Janot et Alonzo. Christophe Sanchez de Bordeaux et le russe Panov renforcent le secteur offensif et Laurent Huard milieu de terrain quitte Sedan pour le Forez. Guillou, Grondin, Montanier, Billong, Revelles et Llacer retournent en Ligue 2. Bruno Carotti, qui était prêté par le PSG, rejoint Toulouse. L’ASSE semble posséder un effectif compétitif mais le coach ne peut aligner, autant qu’il le souhaiterait, certains joueurs africains. Rappelons que depuis l’arrêt Bosman, le nombre de joueurs étrangers pouvant être présents sur la feuille de match est illimité s’ils possèdent la nationalité d’un état membre de l’union européenne. Par contre le nombre d’extracommunautaires est limité à 3. Compte tenu des liens historiques entre le Brésil et le Portugal il est possible pour certains de demander la double nationalité. C’est que feront Alex et Aloisio, qui affirmeront avant le début de la saison, avoir obtenu la double nationalité et posséder des passeports en bonne et due forme.

L’entame du championnat confirme le renouveau stéphanois avec notamment une nouvelle raclée infligée à l’OM (3-0), mais ce ne sera qu’un feu de paille. Dès la cinquième journée l’ASSE aligne sept matchs sans victoire et perd Mettomo et Aloisio blessés à Auxerre. Le Brésilien sera absent plusieurs mois. Le match suivant c’est le derby, et Aulas informe les dirigeants stéphanois qu’il a eu vent que les deux brésiliens n’auraient jamais obtenu la nationalité portugaise, et que leurs passeports sont des faux. Il menace de poser réclamation si Alex est aligné, Aloisio blessé n’est pas concerné. Alex restera en tribune, et assiste à un match nul (2-2). Coup de tonnerre, après une défaite à Strasbourg (2-3) lors de la neuvième journée, Robert Nouzaret est limogé, l’ASSE est 14ème. Alain Bompard justifie cette décision, prise en accord avec Gérard Soler, par le fait que l’entraineur stéphanois refuse de changer, comme on le lui demandait, le style de jeu de l’équipe, qui ne gagnait plus. Il n’avait pas l’intention de modifier quoi que ce soit. Il préférait être viré. John Toshack qui a déjà foulé la pelouse de Geoffroy-Guichard avec Liverpool le remplace. Il a fait une bonne partie de sa carrière d’entraineur en Espagne. Nouzaret lui, ne restera pas longtemps au chômage. Il s’engage à Toulouse qui n’est pas au mieux. C’est justement ce club qui va faire éclater ce qui va devenir «l’affaire des faux passeports». Le président du TFC dépose réclamation, après une défaite face à l’ASSE (0-1) sous prétexte donc, que les papiers, d’Alex, Levytsky et Aloisio sont faux. Une vengeance de Nouzaret est fortement suspectée. Il affirmera toujours n’y être pour rien.


En décembre, la Ligue fait vérifier les passeports de tous les joueurs étrangers évoluant en D1 et D2. Les trois douteux stéphanois sont faux, alors que le club avait annoncé l’inverse après contrôle. Un Monégasque, un Messin et un Strasbourgeois sont également épinglés. Va s’ensuivre un feuilleton juridico-sportif incroyable, qui va complètement saboter la saison du club stéphanois. Personne semble-t-il n’ignorait l’existence de ces pratiques, et du coup on en profitait pour régler ses comptes. Tant pis pour ceux qui s’étaient faits prendre. Alain Bompard, reconnaitra s’être fait rouler. Le club se posera en victime dans cette affaire, ce à quoi le tribunal fera remarquer, qu’il en avait été le principal bénéficiaire. Les joueurs, au contraire mettront en cause les dirigeants, qui auraient imposé que les contrats mentionnent l’obligation de l’obtention de la double nationalité. Certains accusateurs se rétracteront. Surprise, Toshack, parti en vacances à la trêve hivernale ne reviendra plus à Saint-Étienne ou son passage ne laissera pas un souvenir impérissable. Rudy Garcia, alors adjoint, le remplace et sera peu après associé sur le banc avec Jean-Guy Wallemme qui abandonne son poste de défenseur central.

L’ASSE est, dans un premier temps, sanctionnée d’un retrait de sept points mais récupèrera les trois gagnés à Toulouse, préalablement effacés. Après de nombreux, d’innombrables, appels et contre appels de tous bords, aucun retrait de point ne sera infligé. Gérard Soler payera les pots cassés : 2 ans de prison avec sursis, 50 000€ d’amende plus une interdiction d’exercer toute fonction dans le milieu sportif pendant un an. L’agent brésilien des deux attaquants, a été condamné à 18 mois de prison ferme. Une interdiction de cinq années du territoire français et une amende de 50 000 euros. Il n’a jamais répondu aux convocations de la justice française. Le gardien ukrainien Maxym Levytsky, et les deux brésiliens Alex Dias et Jose Aloisio, ont écopé d’une peine de quatre mois de prison avec sursis ainsi que d’amendes respectives de 20 000, 50 000 et 60 000 euros.Le tribunal a au passage, souligné que ces faits n’étaient raretés dans le milieu du football. L’ASSE, dont la saison a constamment été perturbée, est reléguée en Ligue 2 après une 17ème et avant-dernière place. Le FC Toulouse indirectement à l’origine de ce bazar, sera encore plus sanctionné et se retrouvera en National après relégation sportive et rétrogradation administrative. Nouzaret ira voir ailleurs. Accessoirement, Nantes est champion pour la huitième fois de son histoire.

Parcours de l’ASSE entre 1998 et 2001 :

  • 1998-99 : D2 : 1ère – Coupe de France 8ème Tour – Coupe de la ligue : 16èmes de finale
  • 1999-00 : D1 : 17ème – Coupe de France 16èmes de finale – Coupe de la ligue : 8èmes de finale 
  • 2000-01 : D1 : 17ème reléguée – Coupe de France 16ème – Coupe de la ligue : Quarts de finale


Publiés tous les jeudis, retrouvez l’ensemble de nos épisodes sur la grande histoire de l’ASSE :

👉 Retrouvez le premier épisode de cette mini-série (1933-1960)

👉 Retrouvez le second épisode de cette mini-série (1961-1970)

👉 Retrouvez le troisième épisode de cette mini-série (1970-1974)

👉 Retrouvez le quatrième épisode de cette mini-série (1975-1976)

👉 Retrouvez le cinquième épisode de cette mini-série (1976-1981)

👉 Retrouvez le sixième épisode de cette mini-série (1982, de la fièvre verte à la caisse noire)

👉 Retrouvez le septième épisode de cette mini-série (1983-1987)

👉 Retrouvez le huitième épisode de cette mini-série (1987-1994)

👉 Retrouvez le neuvième épisode de cette mini-série (1994-1998)

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