ASSE - Une domination sans partage

Histoire | Publié le par Jacky. M avec Paul. R | 3 commentaires

Dans le cadre des 90 ans de l’ASSE nous revenons sur les différentes périodes qui ont fait son histoire. Après avoir évoqué la création du club, nous parlons aujourd’hui de la période 1961-1970 et la première grande domination de l’ASSE sur le football français. 

En 1961, Pierre Guichard décide de mettre fin à son deuxième intérim à la présidence du club. Il avait depuis longtemps disait-on, choisi sans le révéler, celui qui prendrait la suite, Roger Rocher. Ce qui fut dit fut fait. Le nouveau président de l’ASSE est alors à la tête d’une importante société de travaux publics, fondée par son père. Natif de l’Yonne mais Stéphanois depuis longtemps, il a connu dans ses jeunes années les dures conditions du labeur de la mine.


Après la guerre, alors âgé de 27 ans, il crée l’Association sportive des petites mines, qui accueille les employés des petites exploitations minières. Il s’impliquera ensuite dans le club des Franco-Espagnols dont on lui offrira la présidence, qu’il acceptera, en le renommant Olympique de Saint-Étienne. Ce club, dont le stade porte son nom, existe toujours. C’est en 1957, que Roger Rocher intégrera l’équipe dirigeante de l’ASSE. La même année il est élu par le quotidien l’Équipe « Patron le plus sportif de France ».


Son histoire avec les Verts commence plutôt mal pour « l’homme à la pipe » (comme il était surnommé). Il décide immédiatement d’engager un nouvel entraineur, en remplacement de François Wicart. C’est Henri Guérin, futur sélectionneur de l’équipe de France, qui arrive de Rennes. Le nouveau coach terminera son aventure stéphanoise prématurément, au mois de Mars, alors que le club est en mauvaise posture (en position de relégation), et vient de s’incliner lourdement dans le derby à Gerland, (0-4). François Wicart reprend le manche. Son premier match donne du baume au cœur des supporters. Une victoire au Parc contre Angers envoie les Verts en finale de la Coupe de France. Pour la première fois, ce trophée tant envié, viendra passer la saison dans le Forez après une victoire à Colombes devant le FC Nancy (1-0). Nous sommes en 1962, l’ASSE de Herbin, Domingo, Abbes, Oleksiak gagne la première de ses six Coupes de France.
Malheureusement, la joie sera de courte durée. Une semaine après, Saint-Étienne termine le championnat à la 17ème place, la première relégable, car quatre descentes étaient programmées. Une relégation après une 18ème saison consécutive parmi l’élite. C’est exactement après la même longévité que le club connaitra la même désillusion 60 ans plus tard… en 2022.


L’exercice 1961-62 se terminera par un étonnant succès (4-3), en finale du trophée des Champions face au stade de Reims de Raymond Kopa et Albert Batteux. Le club champenois vient de remporter son 6ème et dernier titre. Roger Rocher pense à démissionner mais Pierre Guichard le conforte à son poste. François Wicart est conservé et c’est donc en étant à l’étage inférieur que l’ASSE dispute sa deuxième Coupe d’Europe celle des vainqueurs de coupe. Qualification au premier tour contre les Portugais de Setubal, mais élimination en 8èmes en Allemagne face à Nuremberg. Les Verts restent invaincus à domicile dans les compétitions européennes.


En décembre, Rachid Mekhloufi retrouve le Forez, après un passage à Genève dans le club de Jean Snella. Le conflit en Algérie est terminé depuis peu et l’hostilité du public était redoutée. Il n’en fut rien. La classe du désormais international algérien, calma très vite les quelques réfractaires. Roger Rocher avait également tenté le retour de Jean Snella, mais celui-ci préféra attendre que l’ASSE retrouve la première division. Il ne patientera pas longtemps pour quitter la Suisse. En ayant conservé une bonne partie de son effectif, l’AS Saint-Étienne ajoute une ligne à son palmarès en devenant championne de D2 en 1963. Elle retrouve donc immédiatement l’élite, accompagnée du FC Nantes qui va découvrir le plus haut niveau. Ces deux clubs vont très vite marquer de leur empreinte le football français.

Avec « Mr Jean » revenu à la maison, l’ASSE, va réaliser une performance toujours inégalée à ce jour. Elle est sacrée championne de France en D1 consécutivement à un titre en D2. Bordeaux et Monaco ont eux aussi été champions de France en étant promus, mais ils n’avaient pas été titrés en D2. Malheureusement, une grosse ombre au tableau ternira la saison. L’ASSE devra désormais se passer des services de René Domingo, son emblématique capitaine. Une double fracture d’une jambe, conséquence d’une charge inconsciente d’un Valenciennois, va stopper irrémédiablement sa carrière après 15 années et 531 matchs officiels en vert. « Bill » méritait une autre sortie.
La deuxième Coupe d’Europe des clubs champions disputée par l’ASSE, tournera au fiasco. Élimination dès le premier tour contre un club que peu de gens devaient connaitre avant le tirage au sort : La Chaux-de-fonds champion de Suisse.


La « promo » 63 continue de flamber. Après le succès stéphanois en 64, Nantes va remporter les deux championnats qui suivent, et l’ASSE marquera à jamais l’histoire du football français en récoltant dans la foulée 4 titres consécutifs. Une importante similitude entre ces quatre succès : l’ASSE avait la meilleure défense du championnat.
Tout commença en 1967, avec une ossature d’une quinzaine de joueurs seulement. La politique de Jean Snella basée sur la formation, va porter ses fruits. Deux futures stars de la maison verte ont débuté la saison précédente, Hervé Revelli (20 ans) et Jean-Michel Larqué (19 ans). Ils seront rejoints dans le groupe par un enfant de Montreynaud qui deviendra l’icône du club, Georges Bereta (20 ans) et un autre de 17 ans natif de Montbrison, Yves Triantafilos, dit « Le Grec ». Francis Camérini marseillais au club depuis deux ans complète la classe biberon, il a 19 ans. Cerise sur le gâteau, un international confirmé arrive de Sochaux, Bernard Bosquier. Il est déjà le patron de la défense de l’équipe de France. Le titre est conquis, haut la main, devant le tenant Nantes qui ne réussira pas la passe de trois. La saison se terminera pourtant sur un coup de théâtre. Alors que la première place est acquise à quelques journées de la fin, Jean Snella, annonce que pour raisons personnelles il a décidé de changer d’air en fin de saison.

Chose incroyable de nos jours, c’est lui qui va choisir son successeur en recommandant fortement à Roger Rocher, son ami Albert Batteux, le coach le plus titré du football français. Ils achèveront même le championnat ensemble sur le banc stéphanois. En poste donc dès l’entame de l’exercice 67-68, Albert Batteux va pérenniser et même développer le travail de « M. Jean ». Georges Carnus gardien international a rejoint le club en provenance du Stade Français ainsi que le rugueux défenseur yougoslave Vladimir Durkovic. Médaillé d’or à Rome, il a disputé la coupe du Monde au Chili et a déjà croisé Robert Herbin au cours du premier Euro des nations en 1960. Avec la charnière Bosquier-Mitoraj, la défense complétée par Camérini a vraiment fière allure.

Ce sera une domination sans partage. Nice le dauphin termine à 11 points. Jamais un tel écart n’a été enregistré avec la victoire à deux points. Pour la première fois le club stéphanois s’adjuge un doublé Coupe-Championnat. Une légende quitte le Forez. Après avoir marqué les deux buts de la victoire verte en finale de la coupe devant Bordeaux, Rachid Mekhloufi, l’un des meilleurs verts de l’histoire file à Bastia. Il faut dire que la concurrence devenait rude. Quelques mois auparavant, avait débarqué au siège du club un jeune malien arrivé en taxi depuis Paris. La facture payée par l’ASSE était salée, mais personne ne s’en plaindra, car c’est le futur premier ballon d’or africain Salif Keita qui avait effectué ce voyage. On raconte que le chauffeur du taxi, supporter du Stade de Reims, avait plus tard beaucoup regretté de ne pas l’avoir emmené en Champagne.


La saison 1968-69 commençait par une grosse désillusion. En coupe d’Europe l’ASSE pensait bien avoir fait le nécessaire en dominant le Celtic de Glasgow à Geoffroy Guichard (2-0). Le match retour face à l’une des meilleures équipes de l’époque, allait tourner au cauchemar surtout en 2ème mi-temps. Résultat (0-4), avec il faut le préciser un arbitrage pas très impartial. Avec un effectif inchangé beaucoup pensaient que le championnat serait une simple formalité. Pas du tout. Certes, l’ASSE deviendra le premier club à aligner trois titres consécutifs, mais les Girondins de Bordeaux ont offert une belle résistance et ne termineront qu’à 2 points du champion.


La saison 69-70 sera celle du premier exploit européen de l’ASSE. Dans un Geoffroy-Guichard en fusion les Verts éliminent le grand Bayern de Munich de Beckenbauer et autre Gerd Muller. Victoire surprenante (3-0) que rien ne laisser présager après une défaite indiscutable (0-2) à l’aller. Malheureusement, douche froide au tour suivant devant le Légia de Varsovie qui déjà vainqueur à l’aller sur ses terres (2-1), inflige à l’ASSE sa première défaite à domicile dans une compétition Européenne au retour (0-1). Cette saison-là restera comme étant sans doute, la meilleure de l’histoire de l’ASSE sur le plan national : Le titre de Champion est conquis avec 11 points d’avance sur Marseille. Les Verts égalent ainsi leur record établi en 1968. Cela restera à jamais, le plus gros écart enregistré dans un championnat avec la victoire à 2 points. Un quatrième titre consécutif pour Saint-Étienne. Record qui ne sera égalé que 22 ans plus tard. Une seule défaite à l’extérieur, c’est aussi un record (partagé avec d’autres clubs)

Doublé avec une victoire mémorable en finale de Coupe de France face à Nantes sur un score fleuve, plus jamais réalisé (5-0). Triplé historique car les jeunes remportent la coupe Gambardella devant les banlieusards de l’OL emmenés par Raymond Domenech et Bernard Lacombe. L’ASSE écrase les derbys en marquant 13 buts en deux matchs pour un seul concédé. À l’aller à Gerland (7-1) même écart au retour à Geoffroy Guichard (6-0). Albert Batteux remporte son 8ème titre, personne n’a fait mieux. Et pourtant, pour l’ASSE le meilleur reste à venir, mais ça c’est encore une autre histoire sur laquelle nous reviendrons dans le troisième épisode de cette mini-série.


Palmarès de la période (1961-1970)

  • 5 Titres de Champion de France (1963-1967-1968-1969-1970)
  • 1 Titre de Champion D2 (1962)
  • 3 Coupes de France (1962-1968-1970)
  • 4 Trophées des Champions (1962-1967-1968-1969)
  • Joueur français de l’année : Bosquier (1967 et 1968) - Hervé Revelli (1969) - Georges Carnus (1970)
  • Entraineur de l’année Albert Batteux (1970 c’était le premier décerné).


👉 Retrouvez le premier épisode de cette mini-série (1933-1960)

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