Formation : Entretien avec Razik Nedder

Formation | Publié le par Paul.R | 14 commentaires

Comme chaque début de saison, Evect part à la rencontre des formateurs de l'ASSE. Après Laurent Huard la semaine dernière, c'est Razik Nedder après plus de 10 ans au club qui évoque ses objectifs pour l'année à venir. Échange avec un Stéphanois passionné par son métier de coach et d'éducateur. 

Comment s'est déroulée cette intersaison pour la réserve de l'ASSE ? 

C'était une bonne préparation, nous avons attaqué en même temps que les pros, c'était la volonté du coach. Sur les premiers matchs amicaux, beaucoup de jeunes sont concernés par le groupe professionnel. C'est enrichissant pour nos joueurs de participer à ces rencontres au niveau supérieur. C'est du temps de gagné pour eux, ils engrangent de l'expérience en découvrant de nouvelles choses et avec l'exigence attendue pour plus tard. On a également pu disputer de nombreux matchs contre des adversaires différents, on voulait goûter à tout et ne pas rester dans des confrontations entre réserves comme la saison dernière. 


Avec pas mal de buts et de jeu dans ces matchs amicaux ?

C'est un peu l'identité qu'on a essayé de mettre en place à la formation depuis quatre saisons. On essaye d'avoir le ballon et la maîtrise du jeu. C'est notre combat au quotidien, c'est ce qu'on cherche à faire avec nos joueurs. La finalité, c'est d'avoir la capacité de générer des déséquilibres, des frappes et des buts.


Quels seront les objectifs pour le groupe N3 cette année ? 

Comme chaque saison, de voir le plus de joueurs possible intégrer le groupe pro et avoir des minutes en L1. On a la chance d'être dans un club où le coach principal donne sa chance aux garçons, il a cette capacité à les lancer et à les faire jouer. À nous de répondre présent dans le contenu et dans ce qu'on enseigne aux joueurs. C'est l'objectif de la réserve maintenant depuis quelques saisons, plus il y aura de joueurs au niveau supérieur, plus notre objectif sera atteint.


"Je ne pense pas que nous soyons armés pour la montée mais on prendra ce qu'il y a à prendre"

On parle là d'objectifs de formation, mais en terme d'objectifs de résultats, peut-on envisager une montée en N2 ?

Les clubs ont différents modes de fonctionnement, il faut déterminer notre priorité. Des réserves se renforcent pour monter avec une colonne vertébrale de joueurs plus matures. Nous, ce n'est pas le virage que nous avons pris, on est sur une réserve plus "classique" composée de très jeunes joueurs avec des 2004 et des 2005 parfois. C'est la politique sportive du club sur l'équipe réserve, donc quand on connait ce championnat là, automatiquement on sait que ce sont des divisions où l'on souffre. En jouant bien au football, il faut compenser le manque d'expérience qui est indispensable à ce niveau dans les phases clés d'un match. Je ne pense pas que nous soyons armés pour la montée mais on prendra ce qu'il y a à prendre, match par match et on se fixera les objectifs concrètement un peu plus tard dans la saison.


Cette nouvelle saison va te permettre de faire des passerelles entre les pros et ton groupe ? 

On va voir, rien n'est arrêté. Tout dépend d'une part du calendrier des pros et puis de l'effectif, des blessures. C'est toujours difficile de prévoir qui peut venir renforcer cette réserve. Il n'y a en tout cas pas d'objectifs dans ce sens là, l'intérêt c'est déjà de faire jouer nos meilleurs potentiels du centre, peu importe l'âge qu'ils ont, si on estime qu'ils sont prêts. On fera forcément le boulot pour donner du temps de jeu à des joueurs en reprise ou des joueurs plus jeunes avec moins de minutes en L1 les week-ends. Tout ceci est à l'appréciation du coach et des calendriers.

Comment mesures-tu l'impact de l'arrêt des compétitions depuis une saison et demie pour ces jeunes joueurs ?

J'estime de manière générale que nous avons été des privilégiés dans ce contexte là car on a toujours pu s'entraîner et on a rapidement eu l'autorisation de pouvoir jouer (entre réserves) avec les mêmes conditions, les mêmes protocoles que les pros. On a aussi vu autre chose pendant cette période, on a découvert d'autres équipes que nous ne connaissions pas, car pas dans nos poules habituelles. On a été dans un football de précision avec moins de pression sur les résultats et une volonté de travailler sur certains aspects de la formation. On a gagné en patience avec les joueurs. J'ai cet état esprit dans la vie de voir les choses de façon positive, c'est comme cela que nous avons appréhendé cette période à l'ASSE. J'estime que nous n'avons pas perdu de temps avec les garçons, on a essayé de tirer des bénéfices de cette situation. On a fait des choses intéressantes avec parfois des matchs plus enrichissants que ceux que nous disputions dans un championnat normal. On a travaillé dans des conditions qui se rapprochaient du haut-niveau avec des outils de précision à fournir pour nos jeunes. 


"L'exception de la jeunesse ce sont des extraterrestres (Saliba, Fofana) avec des jeunes qui arrivent très haut et très vite mais la réalité et la masse c'est qu'on est prêt à partir de 21 ans"

Quel regard portes-tu sur la transition formation vers le monde pro de plus en plus précoce ?

J'estime que cela reste des exceptions, souvent cela fait beaucoup de bruit. Quand sur une génération tu n'as qu'un joueur capable de faire cette transition, cela s'appelle une exception. Chez nous et même en L1 entre Wesley (Fofana, 2000) et Wilo (Saliba, 2001), c'est grand maximum un joueur par génération qui connaît cette précocité, parfois deux. À l'ASSE on a en plus ce contexte d'un coach qui a la capacité de les faire jouer pour valoriser la qualité de notre formation. Le football en général va devoir tendre vers ça, ce ne sera pas que nous, c'est un atout pour les jeunes joueurs, à nous de prendre le bon virage. Il faut voir les choses comme une opportunité mais la réalité ce n'est pas celle-là. Aujourd'hui un jeune joueur qui s'impose et qui joue régulièrement en L1 à moins de 21ans, mine de rien il n'y en a pas tant que ça. Ça c'est la réalité et après il y a les exceptions dont je parlais, celles qui font du bruit (Saliba, Fofana), mais un très bon joueur pour qu'il joue en L1, il faut accepter aussi d'être patient. L'exception de la jeunesse ce sont des extraterrestres avec des jeunes qui arrivent très haut et très vite mais la réalité et la masse c'est qu'on est prêt à partir de 21 ans. À nous aussi dans notre formation d'avoir cette patience là.

 

Plus de dix saisons pour toi à l'ASSE, comment juges-tu l'évolution de ton club sur le plan de la formation ?

J'ai le sentiment quand je suis arrivé qu'il y avait déjà, de base, énormément de qualité et de potentiel. Je pense qu'il n'y a aucun secret, il y a une débauche d'énergie et beaucoup de travail avec une osmose entre des jeunes éducateurs et des formateurs avec plus d'expérience. C'est ce que j'ai vécu en arrivant avec Abdel (Bouhazama) et Jean-Phi' (Primard), et c'est ce qu'on retrouve aujourd'hui avec Jean-Luc Dogon, Laurent Huard qui ont un gros vécu en terme de formation. Il y a un paramètre qui est important, c'est que l'on parle en bien de l'ASSE et de sa formation grâce à la qualité de ses joueurs d'une part et d'autre part de la volonté de Roland Romeyer et des dirigeants de mettre en place un coach qui fait jouer ces garçons et qui valorisent ta formation. C'est un tout, on ne parle pas de formation stéphanoise mais de projet stéphanois.

Parles-nous un peu de tes échanges avec Laurent Huard, le nouveau directeur du centre de formation, quelle est la nature de ta relation avec lui ?

C'est un bosseur et un passionné avec un vécu dans des grands centres de formation, que ce soit Rennes ou le PSG. Il est dans la continuité du projet que nous avions mis en place ("Mine Verte" sous Julien Sablé), ce qui est intéressant. Il vient bonifier tout ceci avec son expérience, un nouveau visage cela nous fait bien, la maladie du footballeur c'est de rester dans son confort et dans ce qu'il sait faire. Avoir une nouvelle personne qui nous alerte sur des nouvelles choses cela nous permet de rester en éveil et de pouvoir faire évoluer notre projet.


La prolongation du staff cette année fait que tu vas continuer de travailler avec Jean-Luc Dogon et Patrick Moreau sur les équipes nationales, c'est un plus cette continuité ?

De manière générale comme je le disais, nous sommes dans la prolongation d'un projet, des choses fonctionnent on l'a prouvé par contre on doit le bonifier, on doit évoluer avec ce projet. À nous d'être force de proposition, la continuité ne signifie pas rester tranquille dans ce qu'on veut faire. On a la chance d'avoir des éducateurs constamment en recherche de nouvelles choses et puis il y a cette osmose entre jeunes éducateurs comme Kévin De Jésus et Sylvain Gibert ou même moi qui me considère encore comme un jeune (rires) et Jean-Luc (Dogon), Lolo (Huard) et Patrick (Moreau).


"C'est un lien que je garde, ce qu'on veut à la formation, c'est qu'un joueur formé chez nous, quand il rentre dans les murs du centre il se sente encore à la maison"

Que ressent un formateur quand il voit ses joueurs évoluer au plus haut niveau ? 

On bosse pour ça, c'est une satisfaction et le fruit de notre travail. Un travail collectif, j'ai aussi eu la chance personnellement de côtoyer de bons joueurs en formation, c'est aussi le fruit du travail des recruteurs, on n'en parle peu mais si on n'a pas un joueur à potentiel dans ton équipe, tu as beau mettre le projet que tu veux en place, il ne se passera rien. On a la chance d'avoir et d'avoir eu à l'ASSE une cellule de recrutement à la formation très performante. Ça nous permet de travailler avec des joueurs qui ont une grosse marge d'évolution et de progression. J'essaye de garder contact avec mes garçons, on échange sur plein de choses et pas que sur le football, c'est aussi ce qui est beau dans notre rôle d'éducateur.


Tu continues cet accompagnement pour des joueurs que tu n'as plus dans ton équipe ?

Par mon poste déjà, on travaille étroitement avec le groupe pro et puis j'ai toujours eu un peu cette marque de fabrique d'être proche de mes joueurs pour les accompagner sur les terrains, dans le jeu mais aussi dans la manière d'être. C'est un lien que je garde, ce qu'on veut à la formation, c'est qu'un joueur formé chez nous, quand il rentre dans les murs du centre il se sente encore à la maison. Un joueur sait qu'il aura toujours une épaule chez nous ou quelqu'un avec qui il peut discuter. Voilà, ils sont à la maison et ça c'est important, c'est nos joueurs, ils viennent de chez nous.


On a toujours envie à l'aube d'une nouvelle saison et après 10 ans ici ? 

C'est ma passion, c'est mon club, j'ai la chance de faire un métier incroyable. Chaque saison, des nouvelles têtes, des nouveaux joueurs, je me régale avec les petits 2002, 2003, 2004 et 2005 qui s'entraînent dans mon groupe. J'aime ça, je trouve ça tellement passionnant d'accompagner un garçon pendant six ou sept années chez toi depuis les premières détections U12. Mon cheval de bataille c'est aussi la compétence afin de rester ici et de pouvoir évoluer depuis 10 ans à différents échelons au sein de la formation. Être d'ici c'est un plus certes, j'entends souvent que c'est mon club mais c'est pas ce qui te fait bien travailler ou non. La légitimité ce sont surtout tes compétences et c'est pour cela que je travaille dur au quotidien. J'ai toujours la dalle (rires).

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