Exclu : Rencontre avec le nouveau patron de la formation

Formation | Publié le par Joris | 31 commentaires

Au cours d'un long entretien cette semaine du côté de L'Etrat, Evect a fait la rencontre de Laurent Huard, nouveau directeur du centre de formation. Entre football, objectifs, parcours de vie, éducation et formation, échange avec un passionné. 

Tout d’abord Laurent, comment appréhender cette nouvelle année au sein de la formation stéphanoise après une saison complètement tronquée du fait du contexte sanitaire ?
Il y avait une envie de reprendre. On a une appréhension par rapport à la préparation et le fait de bien la digérer. C’était aussi un des objectifs que j’avais fixé aux éducateurs : d’emmener tout leur groupe sur la préparation, d’avoir quelque chose d’individualisé, de monter crescendo, dans le but d’avoir un maximum de joueurs qui continuent leur progression et de ne pas les stopper dès le début à cause d’une préparation trop lourde ou mal adaptée. L’an dernier on a pu jouer, on a pu s’entraîner, avoir des matchs intéressants entre centres de formation. La compétition ne devait pas changer cela et servir de mea culpa.

Être Directeur du centre de formation, comment cela se passe en pratique ?
C’est un poste très large. Il y a le côté socio-éducatif, le côté scolarité, le côté football bien-sûr. Il y avait une équipe qui fonctionnait déjà très bien, notamment tout ce qui est extra-football, socio-éducatif, le secrétariat, la scolarité. C’est pour ça aussi que j’ai accepté ce rôle car je peux me concentrer davantage sur la partie sportive. J’ai eu l’opportunité de travailler avec cette équipe depuis six mois quand j’avais le poste de responsable technique du centre de formation.

Avec un tel poste, quelles sont les relations que vous pouvez avoir avec le groupe professionnel ?
L’idée c’est de créer une relation sportive avec tout le groupe de formation : toute la formation stéphanoise voire la pré-formation et aussi la partie école de foot. L’idée c’est de développer cette relation et de la faire continuer jusque là-haut (le groupe pro). J’ai en plus eu l’opportunité de passer un an dans le staff de Claude Puel. Il est d’ailleurs à l’origine de la genèse de ce poste-là (responsable technique du centre de formation). On a l’opportunité de travailler sur un lieu commun, l’idée c’est de le nourrir encore un peu plus en ayant une relation quotidienne et sportive avec les éducateurs qu’on fait travailler ensemble, et avec le groupe professionnel. On a la chance d’avoir une passerelle qui fonctionne très bien avec les joueurs. On a tout pour qu’on ait une relation quotidienne qui fonctionne très bien. L’identité c’est le club : l’AS Saint-Étienne, c’est pour ça qu’il faut profiter de ce lieu commun et le faire vivre pour monter un ensemble interconnecté où tout le monde travaille dans l’intérêt du club.


"Le coach a appris à me connaître et connaissait mon expérience et ce que je pouvais amener au sein de la formation. Il m’a proposé ce poste-là et on a vite vu qu’on était sur la même longueur d’onde"


Vous parliez de votre position dans le staff de Claude Puel, vous aviez été adjoint de Ghislain Printant également, qu’est-ce qui change concrètement dans votre quotidien désormais ?
Cela reste pour moi un poste de terrain. J’accompagne au maximum les éducateurs sur leurs séances. Je veux rester un homme de terrain même s’il y a une grosse partie à côté où je suis très bien accompagné ce qui me permet de me concentrer sur la partie football. J’ai également un rôle de relais entre les éducateurs et les jeunes joueurs.

Cela a été un choix de revenir sur un poste davantage centré sur la formation après avoir été affecté au groupe professionnel ?
Cela a été un échange, c’est quelque chose qui est venu naturellement. Le coach a appris à me connaître et connaissait mon expérience et ce que je pouvais amener au sein de la formation. Il m’a proposé ce poste-là et on a vite vu qu’on était sur la même longueur d’onde. Je pense que je peux apporter quelque chose aux éducateurs, à la formation. Cela peut permettre à Claude d’avoir de jeunes joueurs qui peuvent vite le rejoindre et lui permettre d’être plus performant en équipe première.

On vous a beaucoup vu ce week-end (28 et 29 août) au bord des terrains pour aller voir jouer les jeunes, on vous a vu aussi leur donner quelques consignes, quelles relations a un directeur du centre de formation avec ces joueurs en apprentissage ?
Je suis au quotidien avec eux sur le terrain. Je fais en sorte d’être le matin et l’après-midi sur les terrains. Cela me paraît tout à fait logique d’être proches des joueurs, des coachs. On n’hésite pas d’ailleurs à échanger un petit mot à la mi-temps. Avec les éducateurs, j’échange au quotidien sur les séances, avec les jeunes également sur leurs axes de progression. C’est très enrichissant : on les voit grandir au quotidien. Cela nous permet de très bien connaître nos jeunes joueurs.


"Mon travail est aussi de former les éducateurs à cela. Au quotidien, il n’y a pas que le jeune qui doit avancer, nous aussi on doit grandir"


Justement concernant les relations que vous avez au sein du club, Razik Nedder vous décrit comme « un passionné qui a connu de grands centres de formations, et qui est dans continuité d’un projet qu’il bonifie avec son expérience » qu’avez-vous à lui répondre ?
Si je peux amener ça aux éducateurs, c’est bien. Je ne veux pas vivre avec mon passé non plus. Je me reconnais dans le projet, je connais le jeune joueur. On veut les faire grandir. Les jeunes joueurs évoluent donc on doit être en capacité d’évoluer aussi. Tous les ans c’est une remise en question perpétuelle : c’est peut-être la même équipe, mais les jeunes évoluent tous les ans. Si tu restes le même, tu seras en déconnexion. C’est un métier très enrichissant qui demande de la remise en question. Cela permet de grandir. Mon travail est aussi de former les éducateurs à cela. Au quotidien, il n’y a pas que le jeune qui doit avancer, nous aussi on doit grandir. Par exemple, en côtoyant le groupe pro j’ai pu voir les attentes d’un staff professionnel. Aujourd’hui, on a des U17 qui s’entraînent avec les U19 mais qui joueront peut-être le week-end en U17 : s’il n’y pas de connexions entre l’entraîneur U17 et U19, cela ne va pas fonctionner.

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Vous qui avez été formé au Stade Rennais à la fin des années 80, qu’est-ce qui a fondamentalement changé depuis cette époque dans l’approche de la formation ?
J’ai fait à la fois ma formation de joueur et celle d’entraîneur dans ce club, qui est aussi un club « formateur » un peu à l’image de Saint-Étienne. Tout a évolué. C’est devenu quelque chose de très important pour tous les clubs. La Fédération avait obligé à un moment donné tous les clubs à avoir un centre de formation. On a un vivier extraordinaire : on est aujourd’hui le deuxième pays derrière le Brésil à fournir le plus de joueurs professionnels, et on est loin d’être le plus grand pays en terme de population. Pour les clubs, c’est leur noyau désormais.


Vous étiez entraîneur de la réserve puis des U17 au PSG, quelles différences majeures faites-vous entre les deux clubs en terme de formation, aux niveau des attentes, de la difficulté ?
Le point principal c’est l’ouverture de l’équipe professionnel. Quand vous voyez la lumière au bout du tunnel, c’est un brin de motivation supplémentaire pour le jeune. Au quotidien, je ne relève pas beaucoup de différences. Aujourd’hui, Sainté à de la qualité comme le PSG en a, le recrutement est différent de celui de Paris. À Saint-Étienne, on a pas mal de joueurs locaux en élargissant sur le Rhône-Alpes où ils sont vraiment encrés couleur Verte. On trouve un équilibre avec tous les joueurs qui viennent du Sud : l’histoire nous le démontre avec par exemple Jean-Philippe Primard qui est originaire de Marseille et qui a fait toute sa carrière ici, Bafé Gomis et dernièrement Wesley (Fofana) et Mahdi (Camara). Il y a également certains jeunes qui viennent de la région parisienne, c’est le triptyque qui fonctionne bien au niveau du centre et qui fait qu’on a de la qualité. Il y a de l’exigence également, une scolarité qui est mise en place avec le lycée Tézenas qui nous permet d’avoir des horaires très bien aménagés pour pouvoir s’entraîner les après-midis. En terme de formation, on a des choses différentes, cela se voit dans les classements on marque des points sur les jeunes qui jouent dans notre équipe première, avec des joueurs qui passent pro dans d’autres clubs. Au niveau des éducateurs, c’est pareil : ce sont des éducateurs de Saint-Étienne pour la plupart, c’est un message fort. On a notre identité, elle très intéressante et forte mais c’est très difficile de comparer.


"Notre travail à la formation c’est d’être capable de fournir l’équipe première sur des postes, des profils et du niveau attendu pour qu’il n’y ait pas de « trous » malgré les transferts"


Les saisons précédentes ont vu éclore beaucoup de très bons jeunes, certains partis, n’est-ce pas à la fois satisfaisant mais aussi frustrant de voir ces joueurs partir parfois avant qu’ils n’aient réellement pu faire le bonheur de Saint- Étienne en Ligue 1 ?
Il y a certaines choses qui rentrent en ligne de compte. Il y a une satisfaction pour tout le monde du travail accompli, d’avoir pu sortir ces jeunes. Le top c’est d’arriver à pouvoir en sortir un peu plus pour que sur deux joueurs on puisse en transférer un et en garder un encore un ou deux ans. On peut voir le verre à moitié vide comme à moitié plein : à moitié vide cela peut-être de penser à la saison qu’on aurait pu faire avec Wesley (Fofana) et William (Saliba) en défense centrale. Néanmoins, le verre à moitié plein c’est aussi de se dire que Saïdou Sow aujourd’hui continue à avancer et progresser et sera peut-être le futur gros transfert de l’AS Saint-Étienne. Il a pu progresser et jouer aussi parce que Wesley et William ont été transférés. Notre travail à la formation c’est d’être capable de fournir l’équipe première sur des postes, des profils et du niveau attendu pour qu’il n’y ait pas de « trous » malgré les transferts.


Le dernier classement de la FFF classe le centre de formation stéphanois cinquième derrière le quatuor PSG, Lyon, Monaco et Rennes, que manque-t-il à l’ASSE pour les rejoindre tout en haut ?
On est au top dans certaines parties. Pour grapiller encore quelques points, c’est un petit peu un tiercé (rires). On n’est pas non plus focalisé là-dessus, mais on a fait remonter certaines choses. Par exemple, aujourd’hui sur les points qui sont donnés à la scolarité, on n’a pas eu beaucoup d’élèves à passer même si on a eu un pourcentage assez satisfaisant. Un club qui passe 20 lycéens en Bac et qui aura 50% de réussite aura plus de points que nous qui avons par exemple passé sept élèves dont cinq reçus, en exagérant un petit peu. C’est la première année que ce classement est fait dans ce sens-là, si cela avait été compté comme les années précédentes on aurait été à peu près équivalent à ces clubs-là voire un petit peu plus haut parce qu’on avait marqué énormément de points cette année avec les joueurs qui avaient joué. Il y a bien-sûr des choses à travailler encore.

Pour finir, quels sont les objectifs cette saison pour la formation stéphanoise ?
Un des objectifs que l’on a déjà évoqué était celui de travailler ensemble, qu’il y ait cette interconnexion au sein du club entre les éducateurs. Un autre objectif est celui de former les éducateurs à travailler en staff : les jeunes éducateurs de l’école de foot qui deviennent des adjoints sur le groupe U17 ou U19, cela permet de les former mais aussi d’apprendre aux éducateurs plus expérimentés de travailler avec des adjoints. L’objectif c’est qu’ils soient des formateurs à part entière : ils ne deviennent entraîneurs qu’une fois par semaine, c’est le week-end. Au niveau des objectifs concernant davantage l’aspect compétition, l’équipe première est la vitrine des résultats. Après, on est tous compétiteur : un jeune qui est dans une structure comme la nôtre doit être compétiteur, c’est la base. Ensuite, les moyens à mettre en œuvre pour gagner, c’est notre travail. Les principes de jeu, l’ambition dans ce qu’on propose dans le jeu : être capable de construire pas uniquement pour garder le ballon mais aussi pour attaquer l’adversaire. Il y a la culture stéphanoise qui entre en ligne de compte : être capable d’attaquer, mettre l’adversaire sur le reculoir, mettre de la pression, récupérer vite le ballon. L’attente de nos dirigeants, de Claude Puel ce n’est pas forcément de gagner les matchs du week-end du côté de la formation mais surtout de sortir des bons joueurs. Si on fait ça, on aura plus de chances de gagner des matchs, c’est évident.


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