Patrick Guillou : « La liberté n'a pas de prix »

Anciens Verts | Publié le par Evect | 24 commentaires
Consultant Bundesliga pour BeIN SPORTS qui diffuse la compétition chaque semaine, l'ancien défenseur stéphanois revient avec nous sur son enfance et le début de son parcours. Première partie de cet entretien au long cours avec un homme qui a vu du pays.


Vous avez un parcours atypique. Comment grandit-on Français en Allemagne dans les années 70 ?
« On mange, on boit, on dort (rires). On ne se pose pas la question, on vit tout simplement. Quand on est fils de militaire, on vit dans une garnison avec d'autres Français, puis quelques Allemands. J'ai grandi aux côtés de Français et d'Allemands, donc cela apporte un véritable enrichissement personnel. L'avantage c'est que ma langue maternelle est allemande, mais je parle français avec mon père, et cela a facilité les choses à l'école. Ensuite, lorsque nous sommes partis en Côte d'Ivoire, j'ai appris l'anglais. Ce sont des échanges quotidiens. Ma première licence est dans un club allemand, et je grandis avec cette rigueur, et ce sens du travail dès le plus jeune âge. »

« On te parle du bien contre le mal »

Le fait d'être dans une base militaire n'a pas limité l'accès au football ?
« Quand j'étais en Allemagne, aucune, car il y avait plein de clubs de foot à Villingen. Le système scolaire allemand permet de terminer les cours à 13 heures, pour ensuite pratiquer un sport ou un art. En revanche, en Côte d'Ivoire, c'était plus compliqué, car tout n'était pas aussi structuré il y a quarante ans, que ça ne l'est aujourd'hui. »

Est-ce que la chute du mur a changé quelque chose pour vous, bien que vous habitiez dans la partie ouest du pays ?
« J'avais 19 ans à ce moment-là. Donc j'avais déjà vécu dix-sept ans en étant confronté à cette scission de l'Allemagne. Depuis toujours, on te parle du bien contre le mal, et tu grandis avec cela : la peur de la guerre au quotidien, le moindre événement peut être un foyer de tension. Tu es dans un milieu militaire, il faut faire attention à ce que tu dis. Tu es en représentation de la France à l'étranger : il ne faut pas sortir des clous, et être très respectueux. Par rapport à l'Allemagne de l'Est, c'était une libération pour que les Allemands se réunissent. C'était quand même un peuple séparé du jour au lendemain par un mur. L'impact a été conséquent. Il y a eu d'abord cet amour fraternel, puis la mise en adéquation de deux modes de pensées complètement différents. Il faut se rendre compte de l'importance de la liberté que l'on a aujourd'hui. A cette époque, ce n'était pas évident qu'un journaliste appelle quelqu'un, et que celui-ci parle tranquillement. Sous l'Allemagne de l'Est, quelques mots mal choisis pouvaient avoir des conséquences graves pour l'interlocuteur, mais aussi pour l'ensemble de sa famille ! La liberté n'a pas de prix. »

« Une montée exceptionnelle »

Après avoir démarré en Allemagne votre carrière, qu'avez-vous ressenti à votre arrivée en France ?
« Je suis arrivé à 23 ans à Rennes, et c'était un petit clin d'oeil à mon grand-père qui était Breton. J'ai grandi avec plusieurs influences : mes grands-pères breton et allemand, mes grands-mères italienne et russe, donc tout cela m'a formé. Quand j'arrive en France, il y quand même une fierté parce que je porte un nom qui est bien breton. J'avais tout de même noté des différences sur la rigueur, le respect, le rapport à l'écologie. Il y avait une approche différente en France. J'ai essayé de toujours prendre le meilleur de chaque culture. C'est sûr que je préfère manger et boire français qu'allemand. Ma première saison à Rennes, on fait une montée exceptionnelle avec des Pierre-Yves André, Sylvain Wiltord, Jocelyn Gourvennec, puis les dirigeants ont pensé que je ne devais pas rester avec eux en D1. C'est un choix qui a été fait par le staff et les dirigeants de l'époque. »


Retrouvez les deux derniers volets de cet entretien ici et ici.


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