Salif Keita un taxi pour Geoffroy-Guichard, un ticket pour l'éternité

La Panthère noire vient de nous quitter. Salif Keita, s’est éteint dans un hôpital de Bamako, la ville où il avait vu le jour voilà 76 ans. C’est une nouvelle page glorieuse de l’histoire du club stéphanois qui vient de se refermer à jamais.
Salif Keita a été, très certainement, le joueur le plus doué, à avoir porté la tunique verte. Il possédait une technique, hors normes, qui lui permettait de réaliser des prouesses de grande classe, très souvent improvisées et désarçonnantes. Balle au pied il était inarrêtable, un vrai cauchemar pour les défenses. Geoffroy-Guichard a vécu grâce à lui des moments inoubliables, gravés à jamais dans la mémoire de ceux qui ont eu la chance de le voir à l’œuvre.
Son parcours, qui a été jalonné d’évènements pour le moins insolites, voire cocasses pour certains, est digne d’une saga cinématographique.
Venu au monde en 1946, dans une famille de onze enfants, il débute en équipe nationale du Mali à l’âge de 16 ans. Peu après il disputera avec deux clubs différents de sa ville natale, la finale de la Coupe d’Afrique des clubs champions. Il est rapidement devenu la star du football malien, quand un supporter stéphanois, libanais installé à Bamako, assaille de courriers le président Rocher pour lui conseiller d’engager cette perle rare. Finalement «l’homme à la pipe» se laisse convaincre et l’ASSE offre le billet d’avion à Salif pour qu’il vienne à Saint-Étienne afin montrer de quoi il est capable. Nous sommes en 1967 il est âgé de 21 ans.
Ce ne sera pas facile, pour lui de quitter le pays. Personne ne souhaitant le voir partir, il doit s’envoler du Libéria, qu’il rejoint en étant camouflé dans le coffre d’une voiture. Il se fera détrousser avant de prendre l’avion, et arrivera à Paris sans un centime en poche. Tout le monde connait la suite. À cause d’un malentendu, personne n’est là pour l’accueillir à Orly. Il décide donc de rejoindre le Forez en taxi, le chauffeur ayant pris soins auparavant de contacter le club. Il en coûtera un petit peu plus de 1000 francs à l’ASSE c’est proche du salaire mensuel moyen de l’époque. Déjà surnommé «Domingo» dans son pays, Il héritera d’un nouveau sobriquet de circonstance, «Taxi». Monty en fera une chanson.
Il débute sous le maillot vert par un match de levée de rideau avec la réserve qui l’emporte (8-0), il marque 7 buts. Robert Herbin alors capitaine et Albert Batteux n’hésitent pas une seconde, Salif Keita devient immédiatement stéphanois. Il restera cinq ans en vert, avec à la clé, trois titres de champion et deux Coupes de France. Exploit jamais égalé, ni même approché par un joueur vert, il marquera 42 buts en championnat, au cours de la saison 1970-71 avec quatre quadruplés et six buts inscrits à Geoffroy-Guichard face à Sedan. Il avait auparavant remporté le premier ballon d’or africain de l’histoire. Il n’est plus «Taxi» il est désormais et pour toujours la «Panthère noire» !
L’histoire d’amour avec l’ASSE se terminera, provisoirement, par un divorce retentissant. S’estimant exploité financièrement, il mettra fin à son contrat pour rejoindre le club de Marseille bien plus généreux. Cela lui vaudra, de la part des instances interpelées par le président Rocher, une suspension de six mois. Le contrat étant jugé illégal, l’ASSE écopera d’une amende. Coïncidence, c’est contre Saint-Étienne, en visite au Vélodrome, qu’il effectuera ses débuts phocéens. Il marquera deux buts et viendra, au-devant de la tribune officielle, saluer Roger Rocher…par un bras d’honneur.
Sa carrière s’achèvera à Boston aux Etats-Unis en 1980 après avoir porté les couleurs du club espagnol de Valence et ensuite celles du Sporting du Portugal. Il a profité de son séjour américain pour obtenir un diplôme de droit, après en avoir décroché un en France. Après avoir été ministre délégué auprès du premier ministre malien, il revient vite dans le monde du football. Il crée en 1994 le premier centre de formation professionnel du Mali. C’est à cette époque qu’il interprètera son propre rôle dans le film «Ballon d’Or» inspiré de sa vie. En 2005 il devient Président de la fédération malienne, poste qu’il occupera quatre années durant. L’ASSE reconnaissante le nommera en 2013 «Ambassadeur à vie» du club, un stade proche de Geoffroy-Guichard porte son nom. Les féminines de l’ASSE évoluent tous les jours dans cette enceinte et disputent leur championnat dessus.
Une seule ombre au tableau, le Mali n’étant pas à l’époque très compétitif il ne disputera jamais de Coupe du monde. C’est Albert Batteux qui l’a fort justement évoqué en déclarant : "Si Salif Keita était né dans un grand pays de football, il aurait été l’égal du Roi Pelé".
Un grand merci Monsieur Keita pour tout ce vous avez apporté à notre club et au football.