Que peuvent craindre les supporters de l'ASSE pour leurs tribunes ?

Stade | Publié le par Joris | 61 commentaires

Dans un communiqué publié hier, les Green Angels, Magic Fans et Indépendantistes Stéphanois faisaient part de leurs inquiétudes quant aux possibilités d'animer les tribunes la saison prochaine. 

Après les incidents ayant émaillé la fin de rencontre face à Auxerre, l'ASSE a décidé de prendre les choses en main. Comme nous l'annoncions il y a 15 jours, le club compte "durcir le ton" avec les Ultras. Dans leur communiqué, les supporters détaillent les pistes sur lesquelles travaille la direction de l'ASSE : "une billetterie nominative, aussi bien à domicile qu'à l'extérieur, des interdictions commerciales de stade mais aussi l'interdiction des tifos et autres matériels d'animation." Concernant l'interdiction des tifos et des matériels d'animation, nous ne serions pas sur une première du côté du Forez. 


Des tribunes sans mégaphones, tambours et interdites de tifos ?


En effet, lors de la saison 2012-2013, les liens se tendent entre les Green Angels et la direction du club. Tout commence lors d'un déplacement à Bastia, sur le terrain tout se passe bien avec un festival des Verts (victoire trois buts à zéro). En tribunes aussi tout roule, les supporters bastiais reconnaitront après le match avoir reçu une leçon de leurs homologues stéphanois. Néanmoins la ferveur du parcage n'est pas du goût des autorités, et un supporter stéphanois est arrêté, soupçonné d'avoir allumé un fumigène. Problème, les soupçons ne résident que sur le témoignage d'un stadier comme le raconte un supporter à l'époque à So Foot : "On est complétement sidérés et dégoûtés par l’attitude de l’ASSE qui par le biais de son avocat a enfoncé notre membre. Je ne pense pas que le stadier qui l’a identifié soit de mauvaise foi mais je crois qu’il s’agit d’une méprise de sa part, favorisée par la pression que met l’ASSE sur les stadiers, en réponse à la pression qu’exerce la LFP sur le club."

 

La justice s'en contente néanmoins et condamne le supporter à 15 jours de prison ferme, sous régime du bracelet électronique, de 500 euros d’amende et d’un an d’interdiction de stade ! De retour à domicile, alors dans le bloc 34 de la tribune Henri Point, les Green Angels réagissent via une banderole : "Supporter Sainté n'est pas un crime, détruire la vie d'un innocent en est un". 

Après l'usage de quelques fumigènes lors de la réception de Nancy (4-0) quelques matchs plus tard, les Apaches voient le club fermer la billetterie dans leur zone du stade. Les Green Angels n'ont donc le droit qu'à leurs abonnés dans le fameux "Kop Henri-Point". La fin de saison n'est pas marquée par des relations plus roses entre le club et ses supporters au point que l'ASSE ne décide elle-même de fermer le bloc 34 aux Green Angels pour la réception de Bordeaux. Les Ultras répondront par leur devise : "Partout, toujours" en s'infiltrant dans un Kop Sud en travaux aux yeux et à la barbe de la sécurité et sous l'ovation du Chaudron.

La saison suivante, les Green Angels retrouvent leur Kop Sud et décident de marquer le coup. Un tifo prend place sur l'ensemble de la tribune représentant leur emblème, Cochise, accompagné du message suivant : "Vous avez changé ma tribune, vous ne changerez pas ma tribu !" L'animation est suivie d'un show pyrotechnique avant le coup d'envoi. Celui-ci n'est pas du goût du club qui décide d'interdire l'ensemble du matériel d'animation aux Green Angels. Une situation qui durera et qui obligera les Green Angels à s'adapter, sans mégaphone, tambours ni l'autorisation de faire des tifos. Le groupe redoublera d'inventivité cette saison là pour animer tant bien que mal le Kop Sud.


Dénonçant un "dialogue à sens unique" et des décisions visant leur bureau à chaque faits et gestes de supporters dans le Kop Sud pouvant contenir 8000 supporters, les Green Angels avaient décidé à l'intersaison de s'auto-dissoudre tout en restant présent comme l'expliquait un supporter en 2018 aux Cahiers du football : "Le choix de la dissolution a été compliqué à faire. C’était un moyen de dire aux autorités : 'Le dialogue n'est qu'à sens unique. Quand il y a des problèmes vous tapez sur le bureau, mais pour faire avancer le débat vous ne tenez pas compte de ce que l'on dit. On est les Green Angels, on le sera toujours, on existera toujours. Et votre bout de papier qui vous permet de nous faire porter des responsabilités qu'on n'a pas forcément, on le déchire. Ça en devenait risible. On est dans une tribune de 9.000 personnes. Tu as quelques fumigènes, t’es directement convoqué le lundi. OK, tu es responsable du groupe mais pas des 9.000 personnes. Tu ne peux pas les contrôler."


Les incidents à Nice ne viendront pas arranger les choses entre le club et ses supporters bien au contraire. Cependant, le temps passe et le dialogue est peu à peu renoué. Les Green Angels parviennent petit à petit à retrouver leurs droits élémentaires en tribune pour l'animer. Malgré une répression grandissante dans les stades en France, les relations entre le club et ses supporters sont plutôt bonnes pendant plusieurs saisons. 


Néanmoins, les incidents ayant eu lieu face à Auxerre à la fin de l'exercice 2021-2022 font craindre aux supporters stéphanois le pire. En effet, dans leur communiqué, ces derniers parlent de méthodes utilisées par Roland Romeyer et Jean-François Soucasse "directement inspirées de la méthode Leproux". Mais en clair que s'était-il passé du côté de la capitale lors du fameux "plan Leproux" ? 


Comment le plan Leproux avait tué la ferveur du Parc ?


Dans un contexte de violences extrêmes dans les tribunes du Parc des Princes où Yann Laurence perdait la vie aux abords du stade en février 2010, le président du Paris Saint-Germain Robin Leproux décidait de frapper (très) fort avec un plan d'action qui porte désormais son nom. Ce dernier met fin aux abonnements dans les tribunes Auteuil et Boulogne, augmente les prix des billets et met en place une tribune "famille". À l'automne 2010, une légère avancée émerge tout de même avec un retour progressif des abonnements avec un placement aléatoire rendant les rassemblements impossible. S'en suivra des années de lutte pour le mouvement ultra parisien avant de pouvoir retrouver ses acquis au stade. C'est six années plus tard que ces derniers sont autorisés à revenir au stade dans la limite de 150 supporters. Plus le temps passe, plus la situation s'améliore ce qui débouche au retour d'une véritable tribune populaire du côté du Parc, la tribune Auteuil où siège notamment le Collectif Ultras Paris (CUP). Néanmoins, il ne faudra pas oublier les années galères pour les fans parisiens qui auront été privés de ferveur pendant de très longues saisons, ayant vu leurs droits bafoués à de très nombreuses reprises. 


Si nous n'en sommes pas encore là du côté de Saint-Étienne, la direction de l'ASSE devra veiller à ne pas marquer contre son camp en privant ses supporters d'une ferveur qui fait la réputation du Chaudron depuis des décennies. En plus de la descente en Ligue 2, du contexte tendu entre les supporters et les actionnaires en raison de l'interminable vente du club, l'ASSE pourrait, par des décisions très fortes créer une fracture irrémédiable avec une grande partie de ses supporters. Le dialogue semble une nouvelle fois être la clé pour retrouver un Chaudron apaisé mais aussi et surtout toujours aussi bouillant !

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