Interdiction commerciale de stade (ICS), mode d'emploi

Stade | Publié le par Joris | 7 commentaires

L'avocat Pierre Barthélémy nous éclaire sur le sujet du moment du côté des supporters stéphanois : les interdictions commerciales de stade (ICS) utilisées par l'AS Saint-Étienne envers certains de ses supporters. Par ailleurs, il nous donne également son avis sur la sanction écopée par le club stéphanois d'un match à huis clos partiel pour le Kop Nord. 

Pouvez-nous nous présenter l’interdiction commerciale de stade (ICS) ?
La première chose c’est que c’est un peu un abus de langage de parler d’interdiction de stade. Dans les faits, c’est juste un droit pour le club de ne pas vendre de billets, de ne pas laisser accéder à son stade un client, ou un client potentiel, c’est ça juridiquement parlant. Ce n’est pas une interdiction de stade au sens que le supporter peut continuer à aller au stade soit dans le secteur visiteurs si c’est à domicile soit dans les tribunes locales lorsque c’est en déplacement. Ce n’est pas une interdiction de stade liée à la présence d’une équipe particulière sur le terrain. C’est en quelque sorte le droit pour le club de ne pas passer le contrat avec un supporter : « je vous refuse un abonnement, je vous refuse une place. » Ce n’est pas vraiment une interdiction de stade.

Quels sont les principes juridiques encadrant ces ICS ?
Il y a des modalités de mise en oeuvre comme la collecte et le traitement des données à caractère personnel. Après il y a bien-sûr toutes les conditions d’utilisation : grosso modo cela peut n’être prononcé que contre une personne qui a méconnu les clauses relatives à la sécurité dans les conditions générales de vente et d’abonnement et dans le règlement intérieur du stade. C’est vraiment un manquement contractuel qui est à l’origine de la mesure. Ce n’est pas un comportement dangereux en tant que tel. C’est vraiment parce que c’est un comportement qui contractuellement est interdit. Cela peut faire l’objet d’une durée maximale de dix-huit mois parce qu’au bout de cette période au plus tard, le club est obligé d’effacer les données. La mesure, on ne peut plus la mettre en oeuvre au bout de dix-huit mois parce que les données sont effacées. Pour la mettre en oeuvre, il y a un fichier et c’est ce fichier-là qui est encadré par un dispositif réglementaire précis : qui peut y accéder, à quelles conditions les données sont conservées etc.

D’autres clubs avant l’ASSE en ont fait l’usage, comment cela s’est passé pour eux ?
Il n’y a pas beaucoup de chiffre. Comme c’est une mesure contractuelle, on n’a pas trop de choses. Autant les IAS (interdictions administratives de stade) et les IDS (interdictions de stade) sont recensées parce que ce sont des mesures prises par des autorités publiques, autant les ICS comme ce sont des décisions purement contractuelles et commerciales entre une société et ses clients, on n’a vraiment aucune visibilité. À ma connaissance, il n’y a jamais eu de contestation d’ICS devant la justice mais il y en a peut-être eu vu qu’il n’y a pas de reporting. Beaucoup de clubs les utilisent, je ne sais pas s’ils les font appliquer ensuite mais en tout cas ils les utilisent. Je sais que des clubs ont prévu des procédures, vu que la procédure est très lacunaire dans les textes. Je sais qu’à Lens par exemple, ils ont organisé toute la procédure contradictoire préalable, ils ont prévu un mécanisme d’appel avec une commission de plusieurs personnes au sein du club qui revoient la décision. Des personnes autres que celles qui avaient pris l’ICS au début. Il y a des clubs qui commencent à professionnaliser un peu la chose.


Quel risque prendrait l’ASSE en cas de cadre légal non respecté ?
Si une ICS n’est pas justifiée, c’est le contentieux civil habituel. Si je passe un contrat avec mon plombier et qu’il travaille mal je vais devant le juge civil parce que le contrat n’a pas été respecté. S’il y a un problème concernant la collecte et le traitement des données à caractère personnel, la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés, ndlr) peut décider de mises en demeure ou prendre des sanctions. S’il y a des abus graves dans la gestion et la conservation de ces données à caractère personnel, il peut y avoir un volet pénal mais c’est très hypothétique.

L’ASSE a été par ailleurs sanctionnée mercredi par la commission de discipline (un match ferme à huis clos partiel envers le Kop Nord, ndlr), quel regard portez-vous sur le sujet ?
J’ai vu que l’ANS (Association Nationale des Supporters, ndlr) en avait parlé et je suis d’accord avec eux. Déjà il y a le problème structurel des sanctions collectives qui n’ont aucun sens. Il y a ici un problème d’une part avec la présence d’un arrêté qui imposait l’autobus et des supporters de Metz sont venus par leurs propres moyens, qui n’étaient pas dans le parcage et à cause de l’arrêté on ne pouvait pas les replacer dans le parcage. Cela n’a aucun sens. Un arrêté qui empêche de mettre en sécurité des supporters visiteurs, il n’y a aucune logique. De ce que j’ai vu, les incidents étaient en tribune latérale (Henri Point, ndlr) et ce sont ceux-ci qui ont provoqué l’interruption du match. Logiquement, s’il devait y avoir des sanctions territoriales elles auraient dû viser la latérale et je vois que c’est le Kop Nord qui est fermé. Il y a donc pas mal de choses qui posent question. Si jamais cela avait été des incidents dans le Kop Nord par des gens venus de la latérale, je n’ai pas trop de doutes que ça aurait été le Kop Nord qui aurait été fermé… Parce qu’en fait ce qui est sanctionné, c’est le manquement du club au moment de la manifestation et l’incident a eu lieu en tribune latérale donc c’est là à priori qu’il y a eu un manquement du club.


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