Il était le Sphinx...

Club | Publié le par Jacky | 50 commentaires

Robert Herbin vient de nous quitter. Il était la légende de l’ASSE et de la ville de St-Etienne. Fait assez exceptionnel, rares sont ceux dans notre pays, qui n’ont jamais entendu, ou prononcé son nom. Rares sont ceux qui ne connaissaient pas sa tignasse rousse, même ceux pour qui le football est le cadet de leurs soucis.

Robert Herbin est né à Paris en 1939, mais c’est à Nice ou toute sa famille s’était exilée qu’il se révèlera. Son père musicien y avait intégré l’orchestre de l’opéra de la ville. Le club du Cavigal où il fit ses premières armes était, dans l’ombre de l’OGCN, avant tout réputé pour sa grande expérience de formation des jeunes.
Devenu l’un des plus grands espoirs du football français, il a été très tôt convoité par plusieurs clubs et avait même disputé une rencontre amicale avec l’OGC Nice.


Stéphanois d'adoption

Heureusement, Pierre Garonnaire réussit à convaincre Madame Herbin, sa mère, qui fit pencher la balance pour que le petit rejoigne le Forez, au grand désespoir du Gym. Mauvais perdants ses dirigeants portèrent même l’affaire devant les instances, accusant le recruteur stéphanois d’avoir déployé des arguments financiers, qui outrepassaient les limites permises à l’époque. Cela valut aux jeune Robby de commencer sa carrière verte par un mois de suspension.

Agé de 17 ans, lorsqu’il retrouva Pierre Garonnaire en gare de Châteaucreux, il ne se doutait pas qu’il allait connaitre une réussite unique dans l’histoire du football français.
Passer de Nice à St-Etienne, il le dira, fût un choc. La ville en 1957 n’avait rien à voir avec celle d’aujourd’hui. Il avouera plus tard, que la mentalité et la chaleur humaine des Stéphanois, facilitèrent son adaptation au point qu’il ne songea jamais vivre ailleurs.


Bourreau de travail et forçat du football

Il était un joueur très précieux gros travailleur possédant une bonne technique et un excellent jeu de tête, un joueur complet et sans véritables lacunes. Il avait été capable de marquer 5 buts un vendredi soir à Cannes et d’honorer une sélection comme milieu défensif cinq jours plus tard. Il termina sa carrière comme défenseur central. Grâce à ses qualités de meneur d’hommes, il deviendra tout naturellement le capitaine indiscutable de l’ASSE et même quelques fois celui de l’équipe de France avec qui il disputa la coupe du monde anglaise en 1966.

Il est inutile ici, il n’aurait pas aimé, de détailler son extraordinaire palmarès, conquis en près de 30 ans de carrière stéphanoise, que ce soit crampons aux pieds, ou en fumant sa pipe sur le banc. 1279 matchs au service du club. Robert Herbin c'est tout simplement 15 trophées avec Sainté. 

En 1972, Roger Rocher eut la lumineuse idée, contre l’avis de beaucoup, de lui confier la succession d’Albert Batteux. Celui-ci, sur le départ, lui avait déjà laissé les clés de l’équipe lors des 2 dernières journées. La fonction entraineur-joueur étant passée de mode depuis longtemps, il devait donc stopper sa carrière, ce qu’il fit sans hésiter. Il était d'ailleurs déjà en train de passer les diplômes nécessaires. Il sortira major de sa promotion à seulement 32 ans. Il ne lui faudra que 2 saisons pour ramener l’ASSE au sommet du football hexagonal. Sa première initiative avait été de filer à Genève pour demander conseil à son maitre Jean Snella qu’il admirait, tout comme Albert Batteux.


Un formateur hors pair

Comme il l’avait annoncé, il s’appuya sur la politique de formation du club, essentielle et vitale à ses yeux, encouragé en cela par le président et par Pierre Garonnaire, qui avalait les kilomètres pour dénicher les plus doués. Les vedettes ou les stars, il les laissait aux autres. C’est donc avec une bande de jeunes qu’il fit ses débuts de coach. Il ne demanda que 2 renforts chevronnés à des postes clés. Curkovic et Piazza. Contrairement à ce que l’on voit souvent aujourd’hui, Robert Herbin ne gesticulait pas sur le bord de la touche, n’invectivait pas les uns et les autres, bien au contraire. Il restait quoi qu’il arrive, assis, impassible et froid, ce qui lui valut son surnom, « Le Sphinx ». Il considérait que, dès le coup d’envoi, le jeu appartenait aux joueurs. Ses joies et ses déceptions, il ne les exprimait qu’en privé, avec son équipe et les proches du club.


Le jeune public stéphanois doit savoir que Robert Herbin a été un précurseur de la transformation du football français. C’est lui qui le premier, amena en France un vrai professionnalisme, insista sur la préparation physique et la rigueur, intensifia le suivi médical, tout ce qui était à l’origine depuis longtemps des succès et de la domination des pays voisins. Les résultats qui suivirent, furent bien au-delà de nos espérances, la France était devenue verte comme personne ne pouvait l’imaginer.

Grâce à lui, nous pouvions désormais regarder dans les yeux les grands clubs européens. L’ASSE de Robert Herbin a ouvert la voie, aux futurs succès de notre football, succès dont nous nous réjouissons tous aujourd’hui. Avec l’épopée stéphanoise, les complexes s’étaient envolés. Les meilleurs joueurs français, souvent ignorés jusque-là, commencèrent à fréquenter les grands championnats et donc le haut niveau européen. Ils purent ainsi s’aguerrir, étaler et perfectionner leur talent. Tout cela aboutit à un titre de champion du monde et, beaucoup le pensent, l’ASSE de Robert Herbin en fut le point de départ. Aimé Jacquet lui même ne s'en cache pas.


Fin de carrière avec les Verts

Tant que ses hanches le laisseront tranquille, il continuera de donner de sa personne aux entrainements. Preuve de l’ambiance qu’il avait su créer autour de lui, il recevra un jour une convocation de la part de ses joueurs, pour disputer le dernier match de la saison face à Troyes, alors qu’il avait stoppé sa carrière depuis 3 ans. L’ASSE déjà assurée du titre l’emporta (5-1) et il marqua le dernier but sur pénalty.

Différentes sombres raisons, et la mise à l’écart de la politique de formation, firent que le conte de fées se termina par l’implosion du club. Elle entraina le départ forcé de Robert Herbin sous d’autres cieux où la réussite ne fut pas au rendez-vous. Même lors de ses retours à l’ASSE il ne parviendra pas à restaurer le lustre d’antan. Il est vrai que le contexte et la situation du club ne le permettait plus.


Robert Herbin avait, avec le football, une deuxième passion : la musique classique. Passion transmise par son père premier prix de conservatoire. Même s’il resta longtemps fidèle à Geoffroy-Guichard il pouvait lui arriver de préférer assister à un concert. 


Merci pour tout Monsieur Herbin, sans vous rien ne serait arrivé !

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