🚨 Entretien avec le vice-président de l'AD2S

Stade | Publié le par Joris | 2 commentaires

Créée en 2020, l'Association de Défense des Supporters Stéphanois (AD2S) s'active au quotidien pour préserver et faire valoir les droits des supporters stéphanois. Le vice-président de l'association, Julien, s'est confié à notre micro pour présenter l'AD2S et revenir sur ses activités depuis maintenant plus de deux ans.

Bonjour Julien, pour commencer, pouvez-nous nous présenter l’Association ?

De mémoire, l'AD2S a été créée en 2020 en remplacement de l'ancienne association qui s'appelait Lutte pour un Football Populaire (LFP). L'AD2S se calque sur ce qu'il peut se faire dans d'autres villes. C'est une association qui sort du cadre "ultra" pour agir en justice. Cette association ne se mêle pas de ce qu'il se passe dans les tribunes et reste concentrée sur l'aspect juridique. On a par exemple parlé des sujets comme les incidents intervenus contre Auxerre mais après-coup. On a notamment évoqué les IAS (interdiction administrative de stade) avec des pointages hallucinants, mais on n'a jamais donné un avis via l'association sur ce qu'il s'est passé après le match. Le but est de rester sur l'application du droit et pas de parler de sujets de tribunes, qu'on laisse aux groupes de supporters. 


Comment est composée votre association ? 

Ce sont des juristes qui donnent du temps bénévolement pour aider l'association. Petit à petit, on s'est un peu fait nous même. On a appris à faire des recours devant les tribunaux administratifs : en prenant des trames, en demandant des conseils à des avocats puisque nous sommes membres de l'Association Nationale des Supporters (ANS) depuis un an. On s'est formé, on fait des recours sur plein de sujets différents. On peut par exemple agir sur une interdiction complète de déplacement comme les supporters stéphanois en ont fait l'objet la saison dernière pendant six mois après le match à Jura Sud. On peut également agir sur des limitations de déplacement et même sur des arrêtés d'encadrement comme au Havre. On a un champ d'action vraiment large. 


Vous ressentiez des besoins pour les supporters stéphanois d’être aidés dans la défense de leurs droits ?
Exactement. Au moment où l’AD2S a été créée, nous avions des relations compliquées avec la préfecture de la Loire. Il y avait énormément d’IAS qui tombaient. Les IAS ne tombent d’ailleurs pas que sur des Ultras. Beaucoup de gens en ont pris pour des motifs plutôt étranges… On est là pour défendre, pour conseiller et je pense qu’il y avait un besoin parce qu’il y a eu une diabolisation, notamment par la Ligue de Football Professionnel (LFP), des supporters de l’ASSE. C’est positif que l’association œuvre pour tous les supporters stéphanois et pas que les supporters ultras, sinon on aurait participé à créer une scission entre les Ultras et le reste du public. Le but c’est d’avoir une association qui défende l’ensemble des supporters. On est dans une démarche de défendre le peuple vert dans sa globalité.

Quelles sont vos relations avec les groupes de supporters ?
Au final, l’association n’interagit pas vraiment avec les groupes. Il n’y a pas nécessairement de besoin de dialoguer avec tous les groupes pour la simple et bonne raison qu’il n’y a aucun groupe de supporters stéphanois qui agit devant les tribunaux en temps normal. Il y a une confiance de l’ensemble des groupes qui voient que l’association le fait dans l’intérêt commun.


"Je pense que Dijon a été un tournant. Si on avait été interdits à Dijon, les autres préfets auraient certainement suivi le mouvement"

Et avec le club ?
Depuis la création de l’association, il n’y a pas de relations avec le club. Ils n’ont jamais cherché à en avoir, nous non plus car ils ne sont pas en appui. On a eu un gros différend lors du déplacement à Dijon cette saison. On a appris que le club avait annoncé à la préfecture ne pas connaître le nombre de supporters souhaitant effectuer le déplacement, ni les moyens pour venir. En sachant très bien qu’en disant cela à une préfecture, derrière elle interdit le déplacement. Les groupes ont derrière proposé de manière publique un mode à suivre pour le déplacement avec notamment des points de rendez-vous. L’AD2S est quant à elle venue appuyer par un recours devant le Tribunal Administratif (TA) de Dijon car l’arrêté était clairement démesuré, mal-fondé et injustifié. On a joint dans notre requête la communication des groupes qui proposaient d’organiser le déplacement. Pendant ce temps-là, l’ASSE ne nous a jamais contacté, n’a jamais recherché à appuyer notre requête. Finalement, on s’est déplacé devant le TA de Dijon car on savait qu’on avait des chances de gagner. Au moment où on arrive devant le tribunal, la préfecture de Côte d’Or avait retiré l’arrêté, sans nous prévenir. Le déplacement a finalement été autorisé.

S’en est suivi une lignée de déplacements où les parcages sont pleins, ouverts à peu près à tout le monde. Je pense que Dijon a été un tournant. Si on avait été interdits à Dijon, les autres préfets auraient certainement suivi le mouvement. Il y a finalement eu un effet boule de neige inverse, mais jamais le club n’a cherché à nous arranger d’une quelconque façon. On a même été en contact lors de ce déplacement avec le préfet de région (Bourgogne Franche-Comté) pour le rassurer sur les intentions des supporters stéphanois. Il n’y a pas eu de problèmes. Depuis la création de notre association, on a plus de relation avec des préfets qu’avec l’ASSE.


Vous nous parliez de relations compliquées avec la préfecture de la Loire au départ, cela va mieux depuis ?
On vient de changer de préfet dans la Loire (Alexandre Rochatte est arrivé, ndlr). Il y a eu deux matchs depuis son arrivée donc on verra quelles seront les relations. Pour le moment, il n’y a pas de relations. S’il veut nous rencontrer, il n’y a pas de raisons qu’on refuse bien au contraire. Maintenant, ce n’est pas une nécessité d’avoir des relations avec la préfecture de la Loire, on agit surtout sur les interdictions de déplacements à l’extérieur. On agit néanmoins en défense de tous les supporters stéphanois, si on n’a pas un préfet qui agit de manière complètement folle en distribuant des dizaines d’IAS, tant mieux. Suite à Auxerre, il y a eu quand même un mouvement d’IAS sur lequel on a communiqué, mais ce serait bien que cela ne se reproduise plus.

Votre association intervient donc également sur les cas individuels ?
Oui, tous les cas individuels. Soit des cas individuels qu’on nous rapporte par bouche-à-oreille et qu’on assiste. Soit des personnes qui peuvent nous écrire, sur Twitter par exemple. S’il faut, on se met à contribution pour aider.


"On voit plus cela comme un travail du quotidien, pour essayer d’éveiller les consciences et que les gens se disent que certaines situations ne sont pas normales"


Vous nous parliez du succès à Dijon, y-en-a-t-il eu d’autres ?
Les succès sont rares avec la justice administrative. Lors du déplacement à Lorient l’an dernier où on avait fait un recours devant le TA de Rennes, on comprend qu’on est proche de gagner mais finalement des échanges interviennent entre la préfecture et le tribunal, il y a des mémoires en référé et il se trouve que finalement on ne gagne pas… On n’a pas souvent gagné, même quasiment jamais mis à part à Dijon. Néanmoins, on voit plus cela comme un travail du quotidien, pour essayer d’éveiller les consciences et que les gens se disent que certaines situations ne sont pas normales. Par exemple, sur les IAS sur lesquelles nous avions communiqué au moment de la Coupe du Monde, il y avait cinq ou six pointages au commissariat par semaine ! On est sur des gens qui ont fait des conneries (sic) ou pas, mais de là à les envoyer au commissariat six fois par semaine… Il faut qu’il y ait une mesure. On est conscient que lorsqu’on fait un recours devant le TA on a peu de chance de gagner. Cela peut arriver : par exemple au Havre la semaine dernière, avec un juge qui a un peu de courage, on doit gagner. C’est très rare une interdiction d’un périmètre de 50 kilomètres carrés…

On vous a vu communiquer sur le prochain déplacement à Grenoble. Quelle est l’actualité de l’AD2S et qu'espérez-vous prochainement ?
On a une fin de saison qui concentre de nombreux déplacements compliqués. On est concentré sur Grenoble et Paris. Grenoble, on a écrit un courrier au préfet de l’Isère, nous n’avons aucune réponse pour le moment. Des rumeurs parlent de limitations. S’il y a une limitation trop basse, on l’attaquera. Paris, on est également sur des rumeurs de limitations. Il y a aussi les obligations de se déplacer en bus qu'on combat car pour nous, un match de foot vient se voir en bus, en minibus, en voiture, en vélo ou à pied. On ne comprend pas trop parce que depuis le début de la saison, il n’y pas eu d’incidents dans les stades concernant les supporters stéphanois. Tout s’est très bien passé de partout. On ne comprend pas d’où viennent ces obligations de bus alors que dans tous les cas il y a une escorte pour les bus qui peut donc intégrer les voitures. S’il faut contester d’éventuels arrêtés pour Grenoble et Paris, on le fera.


"Petit à petit, on arrive à une certaine forme de logique où il n’y a plus de raisons d’interdire la venue des supporters stéphanois"

Une fois n’est coutume, les supporters de l’ASSE ont eu la possibilité de se rendre partout cette saison, quel regard portez-vous sur la gestion des supporters stéphanois actuellement ?
Le fait que les supporters stéphanois aient pu aller partout est conditionné au fait qu’en Ligue 2, il y a quand même beaucoup moins de matchs « à risque ». Il y a moins de médiatisation également ce qui aide : forcément, la médiatisation d’un derby pendant deux semaines, ce n’est pas la même que celle d’un déplacement en Ligue 2. Il y a tout de même des déplacements qu’on ne pouvait pas forcément faire ou sur lesquels on était très limités en Ligue 1, qu’on retrouve en Ligue 2 de manière assez libre, comme Metz par exemple. C’est vrai que cette saison c’est plutôt une réussite parce qu’on est quatrième en terme de nombre de spectateurs à l’extérieur à l’échelle nationale (Ligue 1 et Ligue 2 confondues, ndlr) alors qu’on est en Ligue 2. À Dijon, il a été montré que les supporters stéphanois pouvaient organiser les déplacements de manière responsable et derrière on a pu au fur et à mesure des déplacements, montrer que même en ouvrant les parcages à tout le monde, il n’y avait pas d’incidents particuliers et qu’il y avait toujours une très bonne ambiance. Petit à petit, on arrive à une certaine forme de logique où il n’y a plus de raisons d’interdire la venue des supporters stéphanois.

Comment s’y prendre pour que cela perdure ?
On adhère à l’ANS, c’est ici que tout se passe. Est-ce que cela peut-être le début de quelque chose ? Pourquoi pas mais on voit qu’il y a des menaces qui planent sur les tribunes : reconnaissance faciale, billetteries nominatives… Cela va encore dans le sens de l’interdiction et de la restriction. Il suffit malheureusement d'un ou deux incidents pour que l’on casse un ou deux ans de boulot… On espère que cela va continuer, qu’on pourra se déplacer partout et en nombre, en gardant ce système de billetterie ouverte qui est une bonne chose, avec la vente sur le site officiel du club.


"En France, on se met des barrières pour pas grand chose et on a peur de quelques dizaines d’individus alors qu’on prétend accueillir des milliers voire des millions de personnes pour les Jeux Olympiques"

Que pensez-vous de la gestion des évènements sportifs en France ?
Je pense que tout le monde a pu se faire son avis en voyant l’organisation de la dernière finale de la Ligue des Champions. On a pu se faire notre avis à petite échelle en Ligue 2. Quand on dit qu’il est impossible à Nîmes, sur un parcage qui contient de mémoire 250 places, d’escorter une quarantaine de voitures jusqu’au stade qui se trouve dans la périphérie de la ville… On est quand même sur une gestion qui reste catastrophique. On a des pays frontaliers et européens qui organisent des déplacements de supporters par milliers, notamment en Allemagne et Angleterre. Le cas de Nîmes a été vraiment pour nous très symptomatique où on voit que les deux clubs n’ont pas voulu se mouiller, le préfet non plus en imposant les bus obligatoires. Cela donne finalement un stade mort, tous ceux qui l’ont vu à la télé l’ont constaté : on avait l’impression d’être sur un match amical. En France, on se met des barrières pour pas grand chose et on a peur de quelques dizaines d’individus alors qu’on prétend accueillir des milliers voire des millions de personnes pour les Jeux Olympiques.  

Qu'est-ce qui fait justement la différence entre l’Allemagne que vous citez et la France, les Allemands étant en capacité de gérer des déplacements de supporters par milliers ?
Je pense que la réponse appartient surtout aux pouvoirs publics ainsi qu’aux clubs également parce qu’en Allemagne, à Francfort notamment, quand des supporters sont interdits de déplacement notamment en Coupe d’Europe, leur club agit directement avec eux au tribunal. On en est encore très loin en France. Quand on se fait interdire de déplacement à Saint-Étienne, il n’y a même pas un communiqué. C’est vraiment le silence total. Au niveau des préfets, il doit y avoir une prise de responsabilité et finalement faire le boulot qui est le leur c’est à dire encadrer et organiser la sécurité des matchs avec les deux équipes, garantir la liberté d’aller et de venir… Plus globalement au niveau de l’Etat qui doit prendre conscience qu’on ne traite pas la question des supporters, même s’il y a des incidents parfois, en augmentant la répression. Il faut le faire par la discussion et le compromis. Il faut que la vision du supporter de football change. Les supporters de football sont aujourd’hui organisés, ils viennent de partout, de tous les milieux.

Que pouvons-nous vous souhaiter pour la suite et plus globalement pour le supporterisme en France ?
L’association continuera de lutter, tant qu’il y aura besoin, pour les droits collectifs et individuels de l’ensemble des supporters stéphanois. On n’est pas découragé par des défaites. Pour l’ensemble des supporters en France, on voudrait bien évidemment des parcages pleins, festifs, une fin des IAS et un vrai dialogue et une forme de respect entre les pouvoirs publics et les supporters pour que tout se passe pour le mieux.

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