Portrait XXL de Lacroix : échec à la Fiorentina, expérience au Brésil, abnégation et travail

Pros | Publié le par Thomas | 19 commentaires
Le géant suisse Léo Lacroix compte 17 apparitions en 6 mois dans le Forez. Acheté à Sion dans les toutes dernières minutes du dernier mercato estival, le défenseur central lié aux Verts jusqu'en 2020 s'est ouvert les portes de sa sélection nationale grâce à ces performances dans l'hexagone. Sur Onzeo, celui qui va bientôt fêter ses 25 ans retrace son parcours avec ses échecs et ses réussites au sein d'un long portrait. 

Sa découverte du ballon rond
« Le foot ça a commencé quand j'étais tout petit, j'ai des photos dans le jardin où j'ai la tunique de la sélection brésilienne avec seulement trois étoiles à l'époque. C'est dans mon jardin où tout a commencé. J'ai grandi en jouant au football, après j'ai déménagé. On a atterri dans un quartier où il y avait d'autres jeunes, c'est là, vraiment, où on jouait après l'école. Le week-end qu'il fasse beau ou qu'il neigeait, on jouait que au football. Ma mère voulait m’inscrire dans un sport de combat pour que je sache me défendre. J’y ai fait peut-être une ou deux semaines mais je voulais faire que du football.
Je suis rentré très tôt dans une école de foot, au Lausanne Sport. Le sport a toujours été ma passion, ma mère était prof de fitness. Quand elle donnait des cours j’allai avec elle. J’ai vraiment vécu dans le sport. Mes sœurs faisaient de l’athlétisme ou du taekwondo. » 

Son premier déménagement en Italie
« Quand on a 8 ans, on joue pour s’amuser, avec ses potes. Je pars à 12 ans en Italie, à Florence, où je joue dans deux clubs différents. Ça se passe très bien, j’aime bien la culture et je m’y suis vite adapté. Je n’ai pas eu trop de soucis. Mais ce n’était pas un club professionnel. J’ai quitté mes amis, mon football en Suisse, mais j’ai vraiment aimé cette expérience-là. Elle m’a fait grandir, à tous les niveaux. Aujourd’hui, je retiens beaucoup de chose de cette aventure. J’ai appris une langue, j’ai aussi mieux appris le brésilien parce qu’il y avait une grosse communauté brésilienne. J’ai fait un essai durant quelques jours à la Fiorentina mais on était plusieurs durant une semaine et au bout de quelques jours ils me disent non. C’est pour ça que je suis ensuite allé dans un petit club régional. »

Son retour en Suisse et son échec à Sion
« Ensuite, pour des raisons personnelles, nous sommes revenus en Suisse. J’ai regretté d’avoir quitté l’Italie parce que j’y étais vraiment bien. J’ai repris le foot au Lausanne Sport. J’ai fait une année, ensuite j’ai régressé dans une autre équipe régionale pour pouvoir jouer. 
Je décide de faire un essai à Sion car c’est le club le plus proche de ma ville. Premier entraînement, je ne m’entraîne pas très bien. L’entraîneur me fait comprendre que ça va être difficile mais que je peux revenir le lendemain si je voulais. En rentrant à Lausanne avec ma maman, je lui dis dans la voiture « c’est mort, ça ne s’est pas très bien passé, laissons tomber ». »  

Son déménagement au Brésil et les valeurs brésiliennes
« Quelques mois après, en 2009 je pars au Brésil pour connaitre la culture du pays, pour connaitre comment font les joueurs pour se battre tous les matins, pour essayer de donner une vie meilleure à leur famille, la difficulté de prendre un bus le matin pour s’entraîner et des fois même la difficulté de pouvoir manger. Je voulais apprendre tout ça.  
Il fallait que je trouve un club, j’en trouve un à Rio et ils me disent « toi tu es fou, tu as le passeport suisse, t’es européen, nous on rêve tous d’aller en Europe et toi tu viens ici, mais tu es fou ou quoi ? ». Moi ça me faisait rigoler. Il y a même des médias brésiliens qui se sont intéressés à mon histoire. Je voulais trouver cette force en soi, du travail, de l’abnégation, pour pouvoir aider ma famille. Se lever tôt le matin, affronter les bouchons à Rio pour s’entraîner une heure, voyager beaucoup pour les matchs, ce n’est pas facile. Là-bas il y a beaucoup de joueurs qui pourraient jouer en Europe, mais dans le football, il y a un gros facteur chance. » 

Son nouveau retour en Suisse et sa seconde chance
« Au bout de 6 mois, ma maman veut revenir et me dit clairement que je dois retourner en Suisse et à Sion parce qu’elle y voit clairement une nouvelle chance pour moi. Moi je ne voulais pas revenir, j’étais vraiment bien au Brésil, mais il fallait que j’écoute ma maman. Dès mon arrivée en Suisse, on a appelé l’entraîneur des U18 qui m’a fait venir une semaine. On était 5 à l’essai, à la fin il n’y avait que moi. 
Mon objectif c’était d’intégrer le centre de formation de Sion, de pouvoir dormir là-bas. Sion me met encore à l’épreuve, ils avaient un peu de mal à croire en moi. « Si tu veux rester il faut que tu trouves une famille d’accueil et une école en parallèle. » J’ai eu la chance d’avoir un père qui avait quelques connaissances et on a trouvé une famille d’accueil pas trop loin du centre et de mon école. Durant 5 mois, j’y suis resté, et tout a basculé lorsque l’entraîneur de la sélection U18 Suisse m’appelle pour me dire que j’allais être convoqué début janvier 2010 pour un stage. Là, Sion m’a tout de suite dit que je pouvais désormais venir au centre de formation et qu’ils allaient même préparer un contrat pour moi. C’était 5 mois durs avec l’école puis les entraînements. Mais avec les expériences à Florence et à Rio, l’adaptation s’est faite comme sur des roulettes.  Je ne dis pas que ça été facile, mais ces expériences m’ont aidé à affronter les problèmes que j’ai eu à Sion. Des joueurs se plaignaient pour rien du tout, alors qu’en ayant connu au Brésil la galère, tu relativises. »

Son abnégation
« Cette expérience au Brésil m’a fait comprendre que dans la vie, il ne faut rien lâcher, il faut se battre. Souvent, des personnes ont des chemins plus faciles, avec moins d’obstacles. Mais d’autres joueurs, pour réussir, doivent affronter plus d’obstacles. Ça peut nous faire que grandir, mentalement et psychologiquement. Moi, je ne regrette pas, je sais que si aujourd’hui je suis à l’ASSE, ce n’est pas grâce à mon talent mais grâce à mon travail et à ma détermination. Je sais que moi, je ne suis pas un joueur de talent pur. J’ai besoin de travailler et encore travailler pour être performant. 
Si tu es dans ton lit à attendre que la chance vienne, ça ne va jamais venir. Il faut réfléchir, il faut une sagesse en soi pour comprendre qu’est-ce qu’on peut faire pour arriver à un certain endroit. J’ai dû courir derrière, faire des sacrifices, que certaines personnes de mon âge n’auraient peut-être pas fait. Aujourd’hui je suis là, dieu merci, je remercie aussi ma maman et ma femme. C’est grâce à ces personnes-là. Maintenant il faut que je me batte encore plus pour atteindre d’autres objectifs. » 

Son repositionnement naturel en défense
« J’étais milieu de terrain mais quand j’arrive à Sion pour mon second essai je dis que je suis défenseur central. J’avais dépanné à ce poste mais je n’avais jamais suivi de formation complète à ce poste. Peut-être que c’était une prise de conscience, vu ma taille, mon gabarit, si je voulais faire quelque chose dans le football, c’était peut-être en défense centrale. Ma mère me dit, « tu verras, à la fin de l’année tu joueras en équipe première ». Je l’ai laissé parler. En janvier je monte en réserve, je joue avec eux et en équipe suisse. Le dernier match, Didier Tholot fait appel à trois jeunes de la réserve et nous lance dans le bain. J’ai effectué, à 18 ans, mes premières minutes au haut niveau. Je me dis que ça valait la peine de faire tous ces sacrifices pour faire ces premiers matchs en pro, vivre ces moments là. J’ai fait huit saisons à Sion. J’ai eu beaucoup de pépins physiques à mes débuts, j’ai fait les ligaments croisés, le ménisque, ça prend du temps… Une année où tu ne joues pas puis des mois de récupération. Je redescendais avec la réserve pour avoir du temps de jeu, ce n’était pas facile. Mais pouvoir s’entraîner avec les pros c’était positif. On a eu la chance d’avoir une année Gattuso. Par son expérience, son vécu dans un grand club et l’équipe nationale, il peut t’apprendre énormément. C’est aussi ça qui fait grandir un joueur à l’entraînement. »

Ses ambitions
« En 2015, on fait une belle saison avec le retour de Didier Tholot, on a gagné la Coupe Suisse et on a pu jouer des grands clubs en Europa League. J’avais 23 ans, en discutant avec ma famille, j’avais envie de voir autre chose, de connaitre autre chose, mais il me restait deux ans de contrat. Il fallait donc trouver un club qui puisse investir sachant qu’en suisse, parfois, on est un peu mal vu à cause du championnat moins élevé. Mais je pense que l’Europa League, a beaucoup aidé dans ma mise en valeur. J’avais aussi comme objectif d’être en équipe nationale. Et en jouant en Suisse, c’est sûr que c’est plus difficile. »  

Le choix de la sélection
« J’ai fait toutes mes classes en Suisse, la Suisse m’a tout donné. Pour moi, c’était sûr depuis le départ. Si j’avais un jour l’opportunité de choisir, c’était la Suisse. Même si j’ai de très grosses attaches brésiliennes, que j’y vais régulièrement, la Suisse m’a tout donné donc je me battrais pour la Nati. »
Photo de Léo Lacroix
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