Nostalgie - Rocheteau : Sept minutes pour rêver

Pros | Publié le par Thomas | 0 commentaire
En cette fin d'année où l'AS Saint-Etienne a ouvert le premier musée d'un club de football Français afin d'exposer le plus gros palmarès national, Evect vous propose durant toute la semaine, de se replonger dans une époque où les cœurs des Français vibraient pour les Verts. Mai 1976, les Verts de Robert Herbin viennent de perdre la finale de la Coupe des Clubs Champions face au Bayern Munich de Kaiser Franz. Une finale mythique a laquelle Dominique Rocheteau n'a pas pu prendre part dès le coup d'envoi. Aujourd'hui vice-président du conseil de surveillance, le joueur de l'époque aurait pu faire basculer la rencontre s'il avait été en pleine possession de ses moyens. Retrouvez ci-dessous un article écrit par Jean Cornu sur l'Ange Vert, issu du 200ème numéro de Football Magazine, datant de mai 1976 :
Avoir 20 ans et la perspective de jouer une finale de coupe d'Europe, quoi de plus exaltant ? Aucun autre joueur, aussi jeune, n'avait eu devant lui un tel destin. Mais tout semblait aller si vite pour Dominique Rocheteau, "l'Ange Vert", inconnu voilà dix mois et qu'une seule mi-temps d'un match amical d'avant saison, contre Leeds, avait projeté, comme une fusée au firmament du football français !
Depuis Eindhoven, Dominique se plaignait bien de ressentir au creux de la cuisse droite une douleur aiguë comme une brûlure; mais en quatre semaines, un claquage devait bien se cicatriser, d'autant qu'il avait été mis au repos et faisait l'objet de soins attentifs.

Pourtant, une petite erreur avait été sans doute commise. La "blessure" n'avait pas été traitée tout de suite avec l'énergie nécessaire. Saint-Etienne avait permis à Dominique d'aller passer les fêtes de Pâques en famille. Bah ! on lui devait bien ça à ce gosse.
Et la cuisse fut un peu oubliée : d'où la longueur du traitement. Huit jours avant la finale de Glasgow, la douleur était toujours présente : faible, mais là tout de même. Le doute commençait à envahir l'esprit de Rocheteau; mais à 20 ans l'espoir est si fort...
Pourtant, Robert Herbin avait besoin d'en avoir le cœur net. Un essai, qui devait être décisif fut fixé au vendredi précédant la finale.

Ah !  ce vendredi 7 mai, Dominique Rocheteau s'en souviendra longtemps.
Comme ses camarades, il devait faire une sorte de "parcours du jeune footballeur" avec temps contrôlé. Son tour vint. Robert Philippe, l’entraîneur adjoint, sifflet entre les dents lui donna le signal du départ tandis qu'Herbin déclenchait son chronomètre. Rocheteau "enroula", puis se pencha un peu plus pour tenter d'accélérer. Il se releva presque aussitôt, porta la main droite derrière sa cuisse et quitta le terrain la tête basse. Il avait compris : le rêve venait de s'écrouler. A cet instant précis, la finale de 76, pour lui, s'était envolée. Tant qu'il fut sur le terrain, il retint ses larmes; ensuite, seul, dans un coin de vestiaire, il éclata en sanglots. Le Docteur Poty, médecin du club, tenta de le consoler, de le rassurer, de lui faire croire que tout était encore possible, mais lui savait que tout était perdu. 
Pas irrémédiablement pourtant. Plus l'heure du coup d'envoi approchait, plus l'espoir de voir Rocheteau sur le terrain après une sévère séance d'entrainement à l'Ibrox Park. Herbin se décidait à l'inscrire sur la feuille de match dans le but de l'envoyer éventuellement dans la bataille pour essayer de forcer le destin.
"Je ressens encore une petite douleur, disait Dominique, après cet entrainement; mais elle est supportable. Je crois que je pourrai jouer quelques minutes : cependant l'essentiel, pour moi, ce n'est pas de jouer, mais d'apporter quelques à l'équipe."
En fin de match, selon le plan établi, Rocheteau entre à la place de Sarramagna, qui a été le joueur le plus en vue sur le terrain. C'est à la 83ème minute et le Bayern mène par 1 à 0 depuis la 57ème minute. Le renversement est-il possible ?
Dominique se lance avec tout son cœur et tous ses moyens dans la mêlée. Il sème le désarroi dans la défense du Bayern et c'est le "Kaiser", en personne, qui doit mettre en corner la première balle de l'ailier stéphanois pour écarter un danger hyper-menaçant. Et durant les sept minutes qu'il passera sur le terrain, la défense allemande connaîtra bien des situations difficiles mais parviendra tout de même à s'en sortir.
Il a été reproché à Robert Herbin de n'avoir pas utilisé plus tôt cette arme secrète.
Il est certain que son poids, son activité, ses dribbles, ses centres, ses tirs auraient mis mal à l'aise la défense adverse et que peut-être...
Mais l’entraîneur a répondu : 
"J'ai attendu car je craignais une blessure toujours possible d'un autre joueur et la prolongation de profilait..."
L'essentiel n'était-il pas cependant d'obtenir ce droit à la prolongation ?
Si erreur il y eut, elle ne se reproduira pas une autre fois car "Robby" se plait à dire : "A Saint-Etienne on ne commet jamais deux fois la même faute".
Quant à Rocheteau, il dit simplement : "Il ne faut pas penser à ce que j'aurais pu faire si j'avais pu jouer tout le match où si j'étais rentré plus tôt, mais à ce qu'ont fait mes camarades qui tous ont été admirables".
Une équipe qui possède de tels joueurs avec un tel esprit, mérite bien d'aller en finale une autre fois. Et de connaître un sort meilleur !



Retranscris par Evect de Football Magazine N°200 (mai 1976) spécial "L'aventure européenne des Verts"
keyboard_arrow_down Commentaire (0) keyboard_arrow_down