Exclu : Piquionne "J'ai dit des choses qu'il ne fallait pas"

Pros | Publié le par Evect | 45 commentaires
A l'aube d'un derby qui s'annonce décisif dans l'optique de créer une dynamique de victoire, l'occasion est toute trouvée de renouer le contact avec Frédéric Piquionne. Parti en mauvais terme du Forez, l'attaquant au parcours atypique nourrit des regrets sur les formes de son départ. Un entretien sincère en deux volets dont voici le premier épisode. 

Avant toute chose, pouvez-vous nous détailler votre arrivée dans le football professionnel, et plus particulièrement à Rennes ?
« Je n'ai pas fait de centre de formation, j'ai quitté le monde amateur en Martinique pour faire un essai au Nîmes Olympique. Cela a marché, mais les premiers temps d'apprentissage chez les professionnels étaient compliqués. Ensuite, j'ai signé un an là-bas, et à partir de décembre, lorsque Mickaël Pagis est parti à Sochaux, j'ai eu du temps de jeu. En fin de saison, je marque trois buts, et face à Cannes, Christian Gourcuff vient superviser un autre joueur. Je n'ai jamais su qui c'était, mais, au final, Rennes me contacte la semaine suivante et tout se règle rapidement. Là encore, en Bretagne, les choses ne sont pas simples, je suis en concurrence avec Lucas qui est l'un des plus gros transferts de l'époque, mais le coach a été patient. J'ai donc joué avec la réserve avant de jouer en Intertoto puis en Coupe de la Ligue où j'étais performant, avant d'avoir une place de titulaire en fin de saison. Mes deux premières saisons sont positives, mais lors de la troisième, Alexander Frei émerge, et je perds ma place de titulaire. Donc il fallait que je trouve du temps de jeu car j'étais un jeune joueur. Je suis donc parti à Saint-Etienne. Sans hésitation car c'est un club mythique du championnat de France qui remonte en L1. »

Aviez-vous d'autres choix à ce moment-là ?
« A priori non. S'il y en a eu, mon agent ne me l'a pas dit, et vu que Elie Baup était l'entraîneur cela s'est fait très rapidement. Je n'avais pas d'affinités avec lui, mais je savais ce qu'il avait fait, notamment à Bordeaux avec son titre de champion en 1999. C'était un prêt avec option d'achat, c'était tout bénéf pour moi. J'allais avoir du temps de jeu chez une équipe qui remontait en Ligue 1. D'ailleurs nous faisons une belle sixième place cette saison-là. »

Etait-ce votre meilleure saison sur les plans individuel et collectif ?
« C'était super, avec une équipe de revanchards comme Papus Camara, Pascal Feindouno ou Didier Zokora. C'est devenu une bande de potes, et nous avons passé une superbe première saison. La deuxième fut un peu plus difficile parce qu'on nous attendait un peu plus, et une troisième saison qui a démarré sur les chapeaux de roues avec un nouvel entraîneur. »

"Le derby à Geoffroy-Guichard, c'est sans doute l'un des plus beaux matchs que j'ai pu jouer"
Qu'est-ce qui n'a pas marché lors de cette deuxième saison malgré votre temps de jeu ?
« J'avais beaucoup moins de réussite devant le but. Quand on est face à cela, on se réfugie dans le travail, mais parfois il n'y a pas que ça. On a été pas mal chahuté pendant la deuxième partie de saison, et sur le mercato le club a fait en sorte d'améliorer l'équipe. »

Revenons à cette troisième saison, les six premiers mois sont de très haut niveau, avant que tout se stoppe net, avez-vous mal vécu cette période ?
« En fait, le football est un boulot comme un autre. C'est vrai qu'il y a des rivalités, mais quand on n'est pas de la région, même si on les connaît, car les derbys sont tout de même assez impressionnants et très beau à jouer, ce n'est pas pareil. La première saison, le derby à Geoffroy-Guichard, c'est sans doute l'un des plus beaux matchs que j'ai pu jouer. D'un autre côté, quand tu sais que Lyon est l'équipe phare des années 2000, des joueurs stars en équipe de France, que tu n'as pas connu ça. Que t'as pas connu de centre de formation, arrivant dans le football assez tard, que t'as envie de progresser, et donc de jouer dans la meilleure équipe, que ce soit Paris, Lyon ou Monaco, pour moi, à l'époque, ce n'était pas mon problème. J'avais envie d'être dans la meilleure équipe. Simplement, c'était Lyon, et ça ne s'est pas fait. Il y a eu un manque de communication très fort de ma part, mais aussi avec le club. C'est tout cela qui a fait que la discorde est allée très loin. Aujourd'hui, je regrette les mots que j'ai pu employer à ce moment-là. C'est un moment très dur à vivre, que de voir le club vraiment fermé, malgré les discussions, et surtout la manière dont j'ai été traité dans le bureau. A partir de là, il y avait un point de non-retour. »

Vous regrettez un manque d'écoute de vos désirs par le club, ou bien, à ce moment-là si le club vous écoute un peu, vous êtes prêts à finir la saison ?
« C'est exactement cela. Si on discute, je peux finir la saison avec les Verts. Cela n'a pas été compris par les supporters, car évidemment, avec ce que j'ai pu dire, on m'a tout mis sur le dos, que j'étais un mercenaire, (etc.) mais ce n'était pas du tout ça. Aujourd'hui quand on a des sollicitations avec un club, on discute déjà avec son club pour savoir si c'est possible ou non. Quand on est l'un des meilleurs joueurs d'un club, on prolonge, il y a quelque chose qui se fait. A l'époque, je n'étais pas le meilleur salaire de l'ASSE, donc quand un gros club arrive, soit on prolonge, soit on discute pour la fin de saison. Là, c'était complètement fermé parce que c'était Lyon. »

 "J'ai été maladroit, j'ai dit des choses qu'il ne fallait pas, et que je regrette"
L'argument financier est parfaitement recevable, mais d'un point de vue de supporter, on peut se dire « n'en profite-t-il pas pour venir gratter auprès des présidents » ?
« Ça c'est la loi du football. Je n'ai pas demandé à l'Olympique Lyonnais de faire une offre. A ce moment-là, nous sommes troisièmes du championnat fin décembre. Si le club veut que je reste, il y a des discussions, nous ne sommes pas fermés. On ne dit pas : « tu te tais, et si ça ne te va pas, tu joueras en CFA », ça n'existe pas dans le football. Je l'ai compris bien après, car à ce moment-là, ça ne faisait que trois ans que j'étais dans ce monde-là. Je n'ai pas connu l'ascension d'un jeune dans un centre, les premiers contrats pros, et voir comment cela se passe. Donc, sûrement j'ai été maladroit, j'ai dit des choses qu'il ne fallait pas, et que je regrette, mais à froid, aujourd'hui, je pense vraiment que le manque de communication a été dommageable pour les deux parties. »

Indépendamment de vos propos, est-ce que vous comprenez le sentiment des supporters qui vous voient abandonner le navire alors que quelque chose de beau se met en place ?
« Bien sûr que je peux comprendre, mais s'il y avait eu une discussion, sans parler de revalorisation, le simple fait d'évoquer une prolongation au cours de la saison. Il n'y avait même pas ce projet dans nos échanges. C'était « non, tu te tais, et tu joues. » C'est ça qui ne m'a pas plu. »

Au-delà de l'ASSE, a posteriori, cela donne l'impression d'une cassure dans votre carrière.
« C'est dommage car il y avait une belle ascension dans un super groupe. Après, j'ai essayé de faire ce que j'ai pu. Je n'ai pas de regret sur ma carrière pour autant. Je pense que j'ai progressé à Monaco, en connaissant l'équipe de France, puis à Lyon et à l'étranger. Si à dix-huit ans on m'avait dit que j'aurai cette carrière, et que je jouerai en équipe de France, j'aurai signé tout de suite. »

Retrouvez la deuxième partie de cette riche interview de Frédéric Piquionne demain avant #ASSEOL, il y évoque le derby bien évidemment, sa nouvelle vie dans le football mais aussi sa fin de carrière à l'international. 
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